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— Ecoute ma puce, Dieu t’a faite comme ça et ce serait tricher de vouloir changer ton corps. Je t’ai toujours dit que c’est l’âme et non l’habit qui fait le moine. Tu es généreuse et intelligente, tu as un bon travail…
— Mais Alphonse, si Dieu a permis qu’on découvre la chirurgie esthétique, quel mal y a-t-il à l’utiliser pour améliorer la vie de ma fille ? Tu sembles oublier que tu as été jeune aussi.
— Je sais ce que tu penses papa, je ne cherche pas une vie dissolue. Je veux seulement aimer et être aimée. Quoi que tu dises, l’aspect compte beaucoup.
— Si elle s’est décidée seulement maintenant, crois-moi elle a subi une épreuve épouvantable, le coeur d’une mère le sent. Et puis sois franc, est-ce que tu m’aurais épousé si j’étais laide ?
— Mais ça n’a rien à voir…
— Tutut, ne sois pas hypocrite. Ma fille ne peut même pas avoir une simple liaison. Tu ne vois pas que ça la détruit ? Tout le monde ne peut pas vivre dans la chasteté.
— Mais ça va coûter une fortune…
— Si aucune bonne fée ne m’a pas donné la beauté, dame Fortune m’a accordé ses faveurs. Je n’étais pas venue quémander, mais simplement vous mettre au courant de ma décision.
— Mais on ne te verra plus…
— Voyons Alphonse, ce n’est plus une petite fille. Elle a le droit de mener sa vie comme elle l’entend.— Ne t’en fais pas papa, l’avion existe non ? Je ferais un saut toute les semaines et qui sait, je vous inviterai de temps en temps.
*
Richard s’étira voluptueusement. Il avait mis la dernière main sur l’épineuse affaire qui avait donné des cheveux blancs à son père. Il y avait deux jours qu’il s’était enfermé dans son bureau, mangeant à peine, se dopant à coup de café, éteignant son portable. Il sortit en manches de chemise, bravant ainsi l’étiquette du cabinet ; il était d’une humeur trop jubilatoire pour s’en soucier présentement. En se dirigeant vers le bureau de son père, il rentra brutalement dans une jeune femme qui venait du bureau de l’associé de son père.
— Oh pardon, pardon, c’est ma faute. Je suis trop excité.
— Vraiment ? Est-ce que vous êtes malade ?
— Non, non, je suis juste resté travailler pendant deux jours dans mon bureau. Une affaire délicate à boucler. Mais je ne vous ai pas encore vue ici, vous êtes nouvelle ?
— Euh… oui. Lucy. Mais on semble trimer comme des boeufs, ici.
— Enchanté, Richard. Oh ne vous y trompez pas. On n’est pas différent des autres cabinets, seulement cette affaire est particulière, c’est tout. Attendez que je ramasse vos dossiers. Pourrais-je vous inviter à prendre le café à la pause ?
— Volontiers, à tout à l’heure à la cafétéria.
Richard suivit des yeux l’élégante silhouette de Lucy, émerveillé par le léger balancement des hanches. Quelle fille mes aïeux, la figure de madone dansait encore devant ses yeux quand une tape dans son dos le fit sursauter.
— Alors fiston, tu as enfin décidé de sortir de ton trou ?
— Ah papa, j’ai terminé, l’affaire est dans le sac.
— Sais-tu que tu m’étonneras toujours ? On a encore un bon délai, mais quand tu t’y mets tu ne lâches plus, hein ?
— Vous avez engagé une nouvelle, à ce que je vois.
— Beau brin de fille, n’est-ce pas ? Mais ne t’y fies pas, c’est une grosse pointure que celle-là. Je me demande même pourquoi les grosses boîtes ne se le sont pas arrachée. Il paraît qu’elle vient de l’étranger et s’est installée ici. Tu voudrais bien travailler avec elle, avoue.
— Si elle t’impressionnait autant, pourquoi serait-elle venue dans notre « petit » cabinet d’à peine une dizaine d’avocats ?
— Mais simplement qu’elle veut devenir rapidement associée, c’est limpide, non ? La concurrence est moindre. Elle pourrait même te supplanter.
— Sais-tu que tu as l’esprit vachement tordu, vieux grigou.*
Lucy faisait bien tourner des têtes. Pas un jour où les avocats mâles ne venaient la voir sous un prétexte ou un autre. Si les associés n’avaient pas trié sur le volet leur équipe, le chiffre d’affaire en aurait eu pris un bon coup. Heureusement l’impitoyable course au sommet tempérait quelque peu les ardeurs. Les associés se frottaient les mains : la petite nouvelle boostait les affaires. Outre sa compétence formidable, sa beauté et son élégance faisaient plus d’une fois pencher la balance de leur côté.
Bien entendu, Richard était dans le rang des soupirants, mais d’une façon plus discrète. Il ne pouvait se prévaloir de sa filiation pour impressionner. Il se disait que cela biaiserait les comportements. Lucy se montrait cordiale et serviable envers tout le monde, quoiqu’elle manifestât une dureté insoupçonnée en affaire. Elle ne donnait aucun indice quelconque indiquant une préférence pour l’un ou pour l’autre, les faisant tous tourner ainsi en bourrique.
Les hommes étant ainsi faits, pratiquement personne ne se décourageait et chacun y allait de son petit brin de cour quotidien.Richard eut de la chance : un des associés confia une affaire importante à Lucy qui l’exigea comme collaborateur. Elle était impressionnée par sa force de travail frôlant la passion. L’affaire n’était pas difficile mais plutôt délicate, exigeant de la minutie et de solides références. Elle leur permettait de sortir à peine un peu plus tard que les autres. Lucy devait même parfois promettre le restaurant à Richard pour l’empêcher de passer la nuit dans le bureau. A ces occasions, leurs conversations prenaient un tour plus personnel.
*
— Tu sembles préoccupé fiston, quelque chose ne va pas ?
— Cette Lucy est une vraie huître. Je n’ai réussi à rien connaître d’elle alors qu’elle connaît presque tout de moi.
— Allons, tu ne sais peut-être pas t’y faire, à moins qu’elle ne se prépare à jeter son filet.
— Sois sérieux papa, je sens que je ne lui suis pas indifférent, mais j’aimerais en connaître plus sur elle. Dis donc, tu ne pourrais pas avoir des renseignements sur elle ?
— Hey Richard, tu ne serais pas accroché par hasard ? Bon, d’accord, que ne ferais-je pour toi. Je vais essayer de me renseigner ; je vais te filer son CV en attendant, mais c’est confidentiel, tu m’entends ? Ah je pressens que nous allons ouvrir la boîte de Pandore. Je n’aime pas trop ça. Elle ne t’aime peut-être pas assez pour se confier, ou bien elle cache un secret peu ragoûtant, que sais-je.*
RAHAR
A suivre
Illustration : Boîte de Pandore, www.notrecinema.com
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Le Lundi de Pâques
résurrection et printemps
mystère éclosions
Lenaïg
Illustrations :
interbible.org
gourmandise-et-chocolat.com
cuisine.elle.fr
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Entre fantasme et réalité
chignon, nuque, visage pensif et corps en attente
bras solides aux coudes nervurés
force et tendresse à partager
Le ciel autour est tourmenté
Est-ce ombrelle, ou parapluie ?
Est-elle ouverte -ou l'est-il- pour la protéger,
ou sa couleur appelle-t-elle le soleil ?
Au milieu de nulle part
une ballerine s'est éclipsée
comme la lune un instant masquée
c'est beau de voir l'ombre de la Terre
assise sur un solide banc
qu'entoure la mer et la brume
bain de rêve et de minuit solitaire
Caressée par l'ombre et la clarté
Lenaïg
Pour remonter jusqu'à la source des images à rêver
et les thèmes des défis proposés,
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– Eh commissaire, cette Justine Gouth, c’était la maîtresse de devinez qui ?... du député Albert Humet.
– Très bien Berthon, et qu’en pense madame Humet ?
– Ah ces gens de la Haute ! Elle est parfaitement au courant, mais a toléré la situation par respect des convenances, pourvu que les coupables ne s’affichent pas. Et il n’est pas question de divorce : elle a la fortune, mais son mari est une personnalité politique, elle ne renoncerait pas à son prestige. J’ai entendu dire qu’Al Humet briguerait prochainement le poste de sénateur.
– Alors une maîtresse enceinte pourrait bien représenter un obstacle.
– Mais commissaire, c’est une femme qui a tué la victime.
– Je vois la situation. Justine a mis le député au courant de sa situation et l’a mis devant ses responsabilités. Al Humet ne veut abandonner ni la fortune de sa femme, ni son ambition. Je pense qu’il n’a pas le cran de se salir les mains et c’est sa femme qui a fait le sale boulot. Ils ont eu la prudence de ne pas avoir recouru à un tueur à gages pour éviter l’éventualité d’un chantage ultérieur. Dites-moi Berthon, quelle est la couleur de cheveu de madame Humet ?
– C’est une blonde platinée, elle est encore très belle.
– Prenez votre gabardine Berthon, on retourne sur les lieux du crime, on doit trouver quelque chose.***
– Tenez Yvonne, nous avons trouvé ce petit diamant. C’était une pure chance, il a accroché la lueur de la torche de Berthon et a jeté son éclat.
– Mais que va dire le procureur ?
– Rassurez-vous, on a déjà relevé son numéro gravé au laser, mais je suis trop impatient pour attendre le résultat. Dites-moi ce que vous pouvez « voir ».
– Oooh ma tête !... Tout me revient maintenant. Britney… Justine est venue me voir pour savoir si c’était son patron qui était le père de son enfant. Euh… Il faut dire commissaire qu’elle n’était pas très fidèle, elle avait deux autres amants.
– Bon et alors, qui était le père ?
– En tout cas, pas le boss. Elle avait paru très soulagée. Elle était tellement contente qu’elle m’avait entraînée pour visiter notre ville. On avait fini au parc de loisir ; à cette heure, le parc était assez désert. Maintenant, je me rends compte qu’une petite voiture de location nous avait suivi, je le « vois » maintenant. La conductrice était une blonde avec des lunettes noires.
Justine et moi étions assises à un banc, admirant le paysage, quand un coup de poing à la tête m’a étourdie. Quand j’ai repris mes esprits, Justine n’était plus là et j’ai reçu votre appel.
– Un des diamants de la bague a dû être desserti au cours de la bagarre, mais vous confirmez mes soupçons, Yvonne. C’est la femme du député Albert Humet qui est la tueuse. Hélas, on ne peut rien contre le vrai coupable à l’origine du drame.***
La cote du député Al Humet est montée après l’arrestation de sa femme. Les gens n’ont pas compris pourquoi celle-ci avait tué la collaboratrice de longue date de son mari, on connaît les frasques de cette si belle femme volage et une soudaine crise de jalousie discutable est incompréhensible. Al Humet avait de bonnes chances dans sa course au poste de sénateur, mais un accident tragique a coupé net son parcours. Le moteur de sa voiture a pris feu et il n’a
pu en sortir avant l’explosion : sa ceinture de sécurité a eu une défaillance inexplicable, il n’a pu l’enlever, selon l’équipe scientifique.***
Klotz a remis de l’ordre dans son atelier avant de rejoindre sa petite famille. Ce sacré Dany a réussi à confectionner un gâteau au chocolat– plus que mangeable, il faut le reconnaître – tout seul à l’occasion du retour d’Yvonne au bercail.
RAHAR
FIN !
Illustration : www.jedessine.com
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Un album à colorier
Paysages, silhouettes
Contours déjà dessinés
L'enfant se penche et s'apprête
Armé de tous ses crayons
Petite main malhabile
Il colore à sa façon
Etres et automobiles
Il met du bleu où il veut
Il a sa propre logique
Ou du vert dans les cheveux
Révolution pacifique.
*
Du bleu du blanc du gris dans les ciels changeants
L'or du soleil à travers le vert des feuillages
Du rose au soleil levant
De l'orange au soleil couchant
Pas d'orange d'incendie ni de tir de fusil
Pas de rouge sur des champs de bataille
Du rouge dans le gui et dans les habits
Du violet pour les lilas parfumés
Le blanc du muguet de mai
Du noir pour les contours et le repos de la nuit
Pour la terre du marron
C'est moi qui choisis les crayons.
*
Lenaïg
***
Pour le thème choisi par Captain' Tricôtine (clic !), je vais me laisser porter par les paroles et les musiques !
Et je viens ajouter un superbe poème en haïku que m'offre Plume en commentaire :
Choisir sa palette
Donner des couleurs au temps
La vie arc en ciel !
Plume (clic !)
***
Les crayons de couleur Hugues Aufray
Un petit garçon est venu me voir tout à l'heure
Avec des crayons et du papier
Il m'a dit je veux dessiner un homme en couleur
Dis-moi comment le colorier
Je voudrais qu'il soit pareil que moi quand je serai grand
Libre, très fort et heureux
Faut-il le peindre en bleu, en noir ou en blanc
Pour qu'il soit comme je le veux
Si tu le peins en bleu, fils
Il ne te ressemblera guère
Si tu le peins en rouge, fils
On viendra lui voler sa terre
Si tu le peins en jaune mon fils
Il aura faim toute sa pauvre vie
Si tu le peins en noir fils
Plus de liberté pour lui
Alors le petit garçon est rentré chez lui
Avec son beau cahier sous le bras
Il a essayé de dessiner toute la nuit
Mais il n'y arriva pas
Si tu le peins en bleu, fils
Il ne te ressemblera guère
Si tu le peins en rouge, fils
On viendra lui voler sa terre
Si tu le peins en jaune mon fils
Il aura faim toute sa pauvre vie
Si tu le peins en noir, fils
Plus de liberté pour lui
Si l'on veut trouver une morale à ma chanson
C'est assez facile en somme
Il suffit de dire à tous les petits garçons
Que la couleur ne fait pas l'homme***
Pour écouter Guy Béart et regarder la belle vidéo, cliquer puis recliquer sur le centre de l'image.
Photo du net : www.4anneaux.fr
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