• fioles - www.comores-online.com

     

     

     

     

     Un drôle de contrat me parvient. Les termes de la proposition me sont familières. Je traîne toujours les oreilles dans mes déplacements, c’est une habitude. Je sais donc qu’on cherche à éliminer Marcos Deçaiche. Mais jusqu’ici, personne n’a pu honorer le contrat, le type est insaisissable, personne n’a pu le débusquer. Je pense qu’il a changé d’apparence. Cependant, même ainsi, de bons tueurs n’auraient pas été dupes, je dois donc reconnaître que le bougre a plus d’un tour dans son sac.
     

     

      La plupart des tueurs à gage se contente de mener la belle vie, bien peu ont l’idée d’investir pour améliorer leur performance. Voilà pourquoi moi, Klotz, j’ai englouti une fortune dans mon réseau informatique pour augmenter mon efficacité.

      Marcos Deçaiche est un malfrat discret. Il sait agir dans l’ombre, mais le bruit court qu’il n’a absolument aucun scrupule, ce qui donne la chair de poule à beaucoup. Sous ses airs de petit représentant de commerce, il a à son actif une dizaine de meurtres, dont au moins cinq de ses propres mains ; je le sais de source sûre, d’après l’interrogatoire d’un petit maffiosi. Je cherchais autre chose, mais j’ai eu l’information comme bonus en quelque sorte. Je classe toujours toute donnée qui pourrait m’être utile plus tard. En l’occurrence, je n’ai aucun scrupule à m’occuper de ce forban de Marcos. « Démarcheur » de l’Organisation, il était chargé de « persuader » les clients à souscrire un contrat verbal de « protection ». D’après les données que me transmet Romain, le bougre s’est monté une petite telecommande-universelle-solaireaffaire en détournant certains clients à son profit personnel, ce que l’Organisation a finalement découvert, si je m’en réfère au présent contrat sur sa tête. Pas bête, Marcos Deçaiche s’était préparé à cette éventualité et a levé les pieds à temps. Il est marié, mais sa femme n’est sûrement pas au courant de son vrai métier, à preuve, il s’est enfui seul. La plupart des maffieux mariés s’efforcent de ne pas mêler leur famille à leurs affaires et s’affichent comme des époux et pères modèles.

     

     

      Le malfrat peut être n’importe où, mais je me fais fort de le localiser. Je demande à Romain de scanner les caméras publics de toutes les villes de l’état. C’est là qu’intervient le coûteux matos dans lequel j’ai investi. Le très sophistiqué logiciel de reconnaissance faciale que j’ai piqué aux services secrets permet un scan ultra rapide et automatique ; il se joue de tous les déguisements et maquillages imaginables.
      Romain repère ma cible entrant dans une banque à Bretz, une petite ville de l’est du pays. Je suppose qu’il prend ses dernières dispositions avant de partir pour une autre contrée. Je sais qu’il ne va pas prendre l’avion et les tueurs moins futés vont poireauter en vain à l’aéroport. Romain m’informe qu’il n’y a pas eu de vol de voiture récemment. Je ne pense pas non plus que mon lascar se risque à fuir dans une caisse volée. Donc il ne reste que le bus. J’ai intérêt à bouger mes fesses.

      Un avion me dépose à Bretz. En ville, je demande à Romain de scanner toutes les stations de Blackhound. J’entre dans les toilettes d’un motel et me grime. Je rends grâce à Papa Rajy, le célèbre acteur de Prettywood, de m’avoir donné quelques tuyaux pour me mettre dans la peau d’un personnage donné. Je mets des lunettes sans degré, je me coiffe avec une raie médiane, ce qui parfait mon image de petit fonctionnaire insignifiant. Dans des poches discrètes de ma veste fatiguée, s’alignent de petites fioles de poisons et de toxines ; je n’ai pas encore arrêté mon choix. Quoiqu’il en soit, je ne peux utiliser de feu. Ma petite valise en carton bouilli est assez défraîchie pour ne pas attirer l’attention.

     

     

    fioles chimie5 - www.scientic.ca  Ma cible prend le bus pour aller vers le sud, alors qu’en continuant vers l’est, il n’aurait qu’une centaine de kilomètre à faire pour franchir la frontière. Futé de sa part : un tueur ordinaire supposerait que le fugitif s’empresserait de prendre la poudre d’escampette et prendrait un billet à la dernière station avant la frontière, et il éplucherait la liste des voyageurs de cette station en vain, ou bien ferait le pied de grue pour rien dans la station.
      J’ai choisi le fond du car pour pouvoir tout surveiller. J’ai été rejoint par un prêtre volubile qui accompagnait des religieuses. Sa conversation est intéressante, voire enrichissante ; on débat sur la réincarnation contre la résurrection, la légitimité de l’euthanasie, les mérites de l’andouillette au vin blanc… Et j’ai déduit de nos échanges d’idées que c’est un jésuite au raisonnement des plus tortueux.

      Marcos a jaugé tous les passagers, et ce qu’il a constaté l’a apparemment rassuré, je vois qu’il se relâche en subissant de bonne grâce le babillage de la petite mémé assise à côté de lui. Je dois admettre qu’il a réussi sa transformation ; il était loin le bellâtre qui paradait dans un costume à trois cent dollars avec un maintien hautain de sortant de Harvard… qu’il n’est pas, évidemment. Il semble ne plus être sur ses gardes, mais il me faut être méticuleux. Et puis, d’après ce qu’on m’a dit, le type est plutôt suffisant et très sûr de lui-même. J’ai un peu de difficulté à me concentrer avec ce bavard de jésuite. Il m’est pratiquement impossible d’agir dans le car, je ne suis pas suicidaire. Je ne pourrais exécuter ma mission que dans un relais.

     

     

      Il n’y a plus que deux arrêts, avant la frontière. Je dois maintenant me décider. J’ai un ami biologiste de l’armée qui m’a fait cadeau d’un enzyme à l’effet assez spectaculaire. Il empêche la formation du mucus qui protège l’estomac d’être attaqué par l’acide chlorhydrique au cours de la digestion, provoquant ainsi des ulcérations fatales et une hémorragie interne monstre. Le plus beau, c’est que cet enzyme est tout ce qui est de plus naturel et tout autopsie n’y verrait que du feu.

      Arrêt. On se dégourdit et on va casser la graine. C’est l’occasion ou jamais. Je surveille le menu que Marcos a commandé. Le café !
      J’ai un autre gadget qui va m’être très utile. C’est une télécommande universelle. Elle va me permettre d’agir sur la télé du bar. Je me lève en direction des toilettes en passant devant la table de Marcos. J’augmente brusquement le volume du poste ; tout le monde tourne la tête, certains en sursautant, et j’en profite pour assaisonner le caoua de ma cible avec l’enzyme.
    Télécommande universelle - www. 

     

     Je ne suis pas inquiet, mon ami le biologiste avait fait une démonstration avec un rat de labo qui a avalé une caméra miniature et j’ai été impressionné. Quelques kilomètres passent et je vois que ma victime est mal à l’aise. Le bus dévale une pente et Marcos accompagne exagérément le mouvement. Maintenant on gravit une méchante côte. Les viscères du malfrat se tassent, ce qui aggrave la pression sur son estomac, et je le vois se plier en deux. Une quinte de toux le secoue, il bave du sang… puis il en vomit. C’est fini.
      Au prochain arrêt, je vais prendre l’avion et je rentre chez moi.

     

     

     

    -Rahar-

     

     

     

    Illustrations :

    Fioles diverses (grande photo www.comores-enligne.com)

    et télécommandes universelles.


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  • 62490 1388582601438 1438275576 30870869 167675 n

     

     

     Par la grâce du virtuel, le cadeau de belles photos et un peu d'imagination, Lenaïg rejoignit Marie-Louve, ce soir-là, sur sa terrasse québécoise ... Nous papotions et refaisions le monde à notre façon, autour de notre mythique soupière de café (eh 60090 1393246958044 1438275576 30880773 4006910 noui, une boutade d'un ami de plume) ! Puis, l'oeil de Marie-Louve fut attiré par la présence d'un hôte inattendu, venu se poser au coin de la balustrade ...

     

    Marie-Louve vite saisit son appareil photo et nous nous approchâmes sur la pointe des pieds. Ouah ! C'était une bien grande demoiselle qui se chauffait au soleil ! Une magnifique libellule ! Lenaïg n'en avait jamais vu d'aussi grandes, juste à deux ou trois reprises au bord des ruisseaux français la vision brève, furtive de petits êtres bleus, ou verts, tout vibrionnants ... On ne donne le nom de "demoiselles" qu'à celles-là, toutes fines et aux quatre ailes égales ...

     

    Celle-ci était une autre sorte de libellule, de presque vingt centimètres de long, une paire d'ailes plus étroites devant, deux vastes ailes en arrière ...

     

     

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    Nous en restâmes muettes, de peur de la déranger !

     

     

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    Par-dessus son abri feuillu, Petit Renard en pointa le museau de curiosité.

      

     

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    Même les fleurs en furent toutes retournées et tendirent le cou pour mieux observer, certaines que, pour elles, il n'y avait nul danger !

      

     

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    La libellule est une demoiselle aux quatre ailes de dentelle, mais aux dents acérées ! C'est un prédateur qui s'attaque parfois aux poissons et qui est doté d'une vision extraordinaire ...

      

     

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    Elle était sûrement consciente de notre présence, aurait fui au moindre geste qui lui aurait semblé menaçant, mais ne s'en serait pas prise à nous ... On n'a jamais entendu parler d'un humain agressé par une libellule, même de cette taille ! Non, elle seule savait la raison de sa présence sur ce balcon. Nul doute qu'elle l'appréciait, ce balcon et, qui sait, peut-être, la beauté des lieux, oeuvre dont la photographe pouvait à juste titre s'enorgueillir !

     

     

     

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    La grande demoiselle qui s'était ainsi invitée venait sans doute d'un des étangs environnants, où, en bonne carnassière,  elle faisait la vie dure à la faune aquatique ! C'est un fait que les fleurs n'avaient rien à craindre ! Mais les moustiques et les araignées, elle en avait peut-être profité pour les happer en vol ou les capturer sur leurs toiles, une nourriture dont elle était également friande !

    Elle nous permettait d'admirer les dessins fascinants de ses ailes, contente (qui sait ?) d'un festin offert en ce jardin !

     

     

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    Et chez Marie-Louve, où même les poteaux laids sont habillés de jaune soleil (!), nous revînmes nous rasseoir sur la terrasse, pour grignoter des cerises et des framboises et profiter de la douceur du soir, ne nous apercevant pas que la belle libellule s'était envolée ...

     

     

    Les superbes photos : Marie-Louve

    Le p'tit texte : Lenaïg

     

    ET ...

     

    toujours, par la grâce du virtuel et la joie des récoltes photographiques, enchaînons sur une autre vision, celle d'une plus petite demoiselle, surprise par :

    Mona,

     

    qui a la chance, elle aussi, d'avoir son îlot de verdure derrière sa maison.

    Une libellule différente, tout aussi fascinante !

     

     

    Belle photo de libellule, bravo Mona !

     

     

    Indication d'un lien (parmi d'autres) pour en savoir plus sur les libellules : 

     

    http://www.bbcfrance.fr/A-propos-du-documentaire,318.html

     

     

     


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    Denis Costa - Photo 08

     

     

     

    - Comme lors de l'interrogatoire d'hier après-midi, le garçon a craqué, mais cette fois, il a réussi à contenir ses larmes, précisa Farina.

     

    - Il a paru fébrile, c'est certain, nota Gasser.

     

    - Il a confirmé ses déclarations sur l'attirance qu'exerce sur lui, le savoir-faire des femmes plus âgées, poursuivit le commissaire.

     

    - Mais... il a parlé de cadeaux... rajouta le vice-inspecteur.

     

    - Et de cela, hier, il ne m'en a pas parlé, renchérit Farina.

     

    - De cadeaux, il s'agirait de deux montres d'une certaine valeur, d'une chaînette en or avec une médaille, d'un porte-cartes de marque, et de plusieurs centaines d'euro... précisa Gasser.

     

    - Et tu oublies, Andreas, le polo Lacoste, les Geox à cent-cinquante euro la paire, ainsi que divers parfums, Armani et Dolce Gabbana pour homme...

     

    Farina avait pris l'habitude de tutoyer son jeune collègue qu'il appelait par son prénom, Andreas, ce que Rizzoli admettait sans réserve, tous deux faisant partie du même corps des inspecteurs. Lui-même tutoyait Farina, avec lequel une grande complicité s'était établie durant toutes ces années, mais il refusait de se laisser couler dans le moule des relations amicales avec ce nouveau venu, par pur souci de préserver son autorité. C'était en tout cas l'explication qu'il donnait au vouvoiement systématique vis-à-vis du jeune vice-inspecteur, qui de toute façon, n'aurait pas été à son aise s'il en avait été autrement.

     

    - Il reconnaît de multiples partenaires, mais ce n'était pas suffisant, il a fallu qu'il joue aussi au gigolo, ce Matteo, conclut Gasser. Comment comprendre autrement toutes ces largesses extorquées à ses différentes maîtresses? Dire qu'il fréquente encore le lycée... Il passe son bac dans deux ans, si j'ai bien compris, je doute qu'il l'obtienne dans ces conditions...

     

    - Ne nous voilons pas la face, ces comportements sont critiquables et réprouvés par la morale chrétienne, mais cela ne constitue pas pour autant un délit... Tout ce petit monde était consentant, non?... Et puis Gasser, je ne vous suis pas lorsque vous utilisez les termes, gigolo et extorquer. Nous vérifierons bien entendu, dans quelles conditions ont été effectués ces cadeaux, précisa Rizzoli.

     

    Le commissaire avait peine à réfréner la mauvaise humeur qui montait en lui. Il se refusait à comprendre l'acharnement de ses collègues contre le gamin, un acharnement déjà puissamment partagé par ses supérieurs et largement diffusé dans la presse régionale, unanime pour une fois, dans le discrédit, la dénonciation et les suspicions à l'encontre de l'adolescent. Rizzoli se sentait isolé dans son approche de la situation, et cela le perturbait. Peut-être, faisait-il fausse route, après tout... Gasser affirmait de manière à peine voilée que Matteo pouvait avoir offert son corps contre des contreparties? Impensable selon Rizzoli... Comme si un adolescent tout juste majeur pouvait donner une tournure aussi vénale à des relations sentimentales... Matteo un gigolo? vraiment, ce Gasser n'y allait pas par le dos de la cuillère! Comment peut-il être aussi péremptoire, ce jeune flic?

     

    Le commissaire se reprochait également sa propension à rechercher le consensus à tout prix. Il savait Farina très croyant et devinait en Gasser, un habitué des églises, comme le sont en général les montagnards tyroliens. C'était sans doute ce qui expliqua l'idée saugrenue qui lui était soudainement venue, de mêler la morale chrétienne à une affaire déjà suffisamment compliquée. Le commissaire s'en voulut, d'autant qu'il était devenu athée avec l'âge. Bercé pendant son enfance par le mythe du gentil petit Jésus, né dans une crèche d'étable, crucifié par Ponce Pilate, puis ressuscité pour sauver l'humanité de ses péchés, le jeune Guido n'y voyait déjà qu'une belle histoire, générant réunions de famille, des présents en nombre et des jours de classe en moins. Il avait traversé son adolescence à contester l'ordre établi, puis il était devenu officier de police, et il se surprit à voter à gauche... Rien de contradictoire dans tout cela. Il militait simplement dans la sphère privée, pour une société meilleure, plus solidaire et surtout débarrassée de ses crucifix, pendus un peu partout dans les administrations italiennes. Alice n'était pas loin de penser comme lui, mais elle tenait, par tradition familiale sans doute, à ce que leurs jumeaux Osvaldo et Viola suivent les cours de catéchisme à l'école, et fassent leur communion solennelle. Ses deux enfants étaient libres de suivre leur mère, mais rien n'aurait pu lui ôter de l'esprit que la religion n'était que roba da donna, avant tout une affaire de femmes bigotes, à la recherche de réconfort.

     

    Le joyeux gazouillis des moineaux n'hésitant pas à picorer directement dans les assiettes, fut soudain interrompu par deux coups lourds et sonores du carillon de la cathédrale Santa Maria Assunta de la place Walther.

    Rizzoli consulta sa montre. Elle marquait quatorze heures cinq. Rien de plus normal, le commissaire avançait toujours sa montre de cinq minutes, par souci de ponctualité.

     

    - Chers collègues, décida-t-il, il est plus que temps de rejoindre la questura! Le programme de cet après-midi est simple. Gasser, vous venez avec moi. L'équipe va perquisitionner la chambre du gamin, à la recherche d'indices. J'aimerais bien trouver des échanges de correspondances par exemple, on va saisir son ordi naturellement, et je veux m'assurer de la réalité des soi-disant libéralités dont il nous a parlé ce matin... Le vice-questeur n'a pas été long à obtenir du procureur une commission rogatoire. Matteo qui refuse désormais de sortir de sa chambre, assistera à la fouille. Ça m'arrange, on va mettre le paquet! je veux que la perquisition l'impressionne, qu'il saisisse bien le caractère dramatique de la situation dans laquelle il s'est fourré. Et puis, je veux parler aux parents, la mère était complètement retournée ce matin... Farina, tu iras voir les Innerhofer, prends Kallmünz avec toi! Tant que tu ne sera pas titulaire du certificat B de langues, tu te feras enfariner par les Crucchi! Excusez-moi, Gasser, rien de péjoratif dans ma bouche...

     

    ***

     

     

    Lexique:

     

    Vu compra: terme populaire qui désigne les Africains qui vendent dans les rues à la sauvette (vu compra= en italien de cuisine, « vous achètes »

     

    Herr = monsieur, en allemand

     

    quattro stagioni = quatre saisons

     

    roba da donna = affaire de femmes

     

    crucchi = allemands.

     

    ***

     

     

    Fin du chapitre

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

     


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  • Bigoudène - fete-des-brodeuses cercle-ar-vro-vigoudenn-xl - www.ouest-cornouaille.com

     

     

    Le chameau était lancé ! Ah oui, quelle idée elle avait eue, se disait-elle parfois, d'épouser un Ecossais ! Il pouvait vraiment se montrer "chameau", quand ça le prenait !

     

    Soazig la Bigoudène et Archibald l'Ecossais s'étaient rencontrés au Festival interceltique de Lorient ; ils s'étaient assis côte à côte cet été-là pour écouter Lancer de troncs d'arbre dans les Highlands - www.fruityfred.com et encourager les sommités celtes de l'époque, dont Alan Stivell et Brenda Wooton ... Dès leur premier regard échangé, la charmante jouvencelle et le big Scot avaient eu le coup de foudre l'un pour l'autre ... Chacun avait d'abord repris sa vie, l'un à Glasgow, l'autre à Pont L'Abbé, mais à chaque fois qu'ils avaient des congés, l'un prenait l'avion et se précipitait chez l'autre ...

     

    Ils avaient formé un couple d'allure très originale, et on aurait pu dire caricatural s'ils n'avaient pas été dotés chacun d'un physique fort ... aimable. Il fallait voir, en effet, la silhouette d'Archibald, tout en muscles et aussi haute que large -une montagne !- entourer de sa solide épaule sa gracile dulcinée aux yeux clairs et pétillants, aux bouclettes dorées. Lui-même n'était pas le géant roux à la peau blanche tacheté de son, comme on aurait pu s'y attendre. Hé non, il ne s'agissait pas d'exagérer tous les clichés :  tous les Ecossais ne sont pas roux et pâles de peau ! Ce spécimen-là était brun, les yeux marron et la peau foncée par le grand air et le soleil estival écossais (là encore, il ne pleut pas toujours en Ecosse) ...

     

    Sauts de la gavotte d'honneur - www.lelombrik.netAvant de se marier, Archibald s'était établi en Bigoudénie et avait ouvert une jardinerie. Il avait cessé les compétitions de lancer de troncs d'arbre où il excellait mais continuait de souffler volontiers dans sa cornemuse. Sa chevelure, maintenant, grisonnait et il s'était légèrement empâté, mais sa bonne bedaine acquise au gré des stouts et des whiskies qu'il affectionnait, tout en conservant une modération d'assez bon aloi, ne déplaisait pas à Soazig, qui y trouvait ... un grand confort !

     

    Adoncques, notre Soazig, un tantinet enveloppée à présent elle aussi mais toujours aussi charmante, avait depuis longtemps sacrifié sa luxuriante masse de bouclettes pour un carré de dame, assez long cependant pour se ramasser en chignon et permettre de fixer, à l'aide des épingles appropriées, la tour de dentelle, la fameuse coiffe !

     

    C'était justement ce qu'elle était absorbée à faire lorsque notre histoire a commencé. Pourquoi traitait-elle intérieurement son mari de "chameau" ? Parce qu'il faisait la tête, qu'il boudait, qu'il ne voulait pas l'accompagner au grand bal breton du soir ! Voici un indiscret extrait de leur dialogue.

     

    Archie :

    J'irai pas, na ! ça t'apprendra à te laisser charmer la dernière fois par ce vieux beau de Joz, qui n'arrêtait pas de t'inviter à danser ... Vieille coquette !

     

    Soazig :

    Oh ! Méchant mot, c'est insensé ! Ben, tu sais bien que j'aime les valses ! Toi, tu jouais !

     

    Archie :

    Ah oui, mais ... la charmeuse était en scène ! Et vas-y que je te rie en cascade sur ses plaisanteries pourries ! On n'entendait que toi !

     

    Soazig :

    Là, c'est moche, et tu le sais ! Ce brave Joz est un excellent danseur, c'est tout ! Il était heureux et il n'a pas dansé qu'avec moi ! Il m'a raconté qu'un jour, il s'était craqué le derrière du pantalon en sautant lors d'une gavotte d'honneur Pourlet (Merci, Dan !) et qu'il avait vite dû aller se le faire raccommoder en coulisse !

     

    Archie :

    Ouais, ouais ! Il est capable d'inventer des sornettes pour se rendre intéressant ...

     

    Soazig, réjouie :

    Hi hi, le jaloux ! Tu es jaloux ! ça alors, comme tu es mignon ! Bisou !

     

    Et Soazig, ayant à grand peine réussi à plaquer un baiser sur le front d'Archie, qui s'était dérobé, s'en fut seule au fest noz, ne doutant pas de le voir y apparaître plus tard (ce qu'il fit, sans sa cornemuse car, cette fois-là, il dansa !).

     

    Cette tête de mule d'Archibald, avant de se retrouver seul, de rire lui-même de son accès de jalousie infondé, de se faire beau et de revêtir son kilt, avait quand même lancé à sa femme :

     

    Lâche-moi, et va danser !

     

     

    Lenaïg

     

    pour le défi de Nounedeb, Homophonies

     

    http://nounedeb.over-blog.com/article-defi-57-74457680.html

     

     

     

    Bigoudenes 56 - www.photos-bretagne.com

     

     

     

     

     

     

    Illustrations :

    De charmantes Bigoudènes,

    Un Ecossais lanceur de tronc,

    Le saut de la gavotte d'honneur Pourlet ! (Merci à Dan pour sa correction)

    voir les sources dans l'album Fantaisies 4 à "Bigoudènes", "Saut ...", "Ecossais".


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  •   Denis Costa - Photo 07

     

     

    Rizzoli, Farina et Gasser, le tout jeune vice-inspecteur, récemment muté à la brigade, décidèrent de prendre le soleil sur l'une des terrasses de la place Walther. Avec le retour du printemps, les tables avaient de nouveau envahi la place principale du vieux Bolzano. Les cars de touristes germaniques déversèrent leur lot de retraités, tandis que les lycéens s'égayèrent en grappes à la sortie des établissements scolaires qui bordent le centre-ville. Rizzoli avait même remarqué le retour du vu comprà sénégalais installé à l'angle du passage Greif, un vendeur à la sauvette de lunettes de soleil contrefaites, qu'il avait croisé pour la dernière fois aux environs de Noël.

    Le commissaire était guilleret, comme si la douceur des températures avait réussi à lui faire oublier pour quelques heures, les affres des enquêtes en cours. Il ne cessa d'exalter, devant ses compagnons moins transportés que lui, les prémices du printemps dont il voyait partout les signes. Les arbres qui cernaient la place n'étaient-ils pas plus feuillus et d'un vert plus soutenu aujourd'hui qu'hier? Il se dit que le bonheur résidait dans le simple fait de contempler la vie qui s'agitait autour de lui, une vie qu'il avait la bonne fortune de partager avec tous ces inconnus. Il enchaîna des blagues légères qui étaient d'ordinaire son lot lorsqu'il abusait de bières. Ce n'était pas le cas ce matin-là. Les trois hommes avaient simplement convenu de profiter de la pause déjeuner pour se commander chacun une pizza, du Coca et un café. Rizzoli parfois, traduisait ses propos en allemand, à l'attention de Gasser, qui, vexé, ne cessait de lui rappeler qu'il parlait un italien aussi parfait que celui que l'on pouvait attendre d'un milanais de souche.

     

    - L'accent n'est pas le même! si je puis me permettre, Herr Gasser, s'amusa le commissaire, avant de poursuivre entre deux bouchées de pizza quattro stagioni: ne sont-elles pas jolies nos femmes, ici? on réunit dans cette ville, les plus beaux culs d'Italie et le meilleur de ce qui se fait en Allemagne, ne trouvez-vous pas, Gasser?

     

    - C'est bien une réflexion d'Italien, du pur machisme, si je puis me permettre, commissaire! répliqua le jeune policier, sur le même ton, faussement déférent.

     

    - J'apprécie votre impertinence, Gasser, vous ne lâchez rien, c'est plutôt une qualité dans notre métier, mais de grâce Gasser, ne prenez pas tout ce que l'on vous dit au premier degré... Un peu d'humour que diable, détendez-vous!

     

    Le jeune vice-inspecteur se dérida, semblant donner un gage à son supérieur hiérarchique. Il continua cependant à exposer son point de vue sur le sexisme supposé des Italiens, en s'appuyant sur les émissions de variétés qui font étalage de soubrettes, aux jambes aussi effilées que peuvent être rétrécis leurs cerveaux. Il termina sa démonstration en présentant comme exemplaires, les émissions analogues en cours sur les chaînes autrichiennes, qu'il jugeait plus décentes.

    Cette remarque additionnelle eut le don d'irriter le commissaire. Comme beaucoup de Tyroliens, le policier Gasser pensait que tout était mieux, ou fonctionnait avec plus d'efficacité de l'autre côté de la frontière.

     

    - Vérité au deçà du Brenner, erreur au delà... vous ne changerez jamais, vous les Allemands!

     

    Farina se garda bien d'intervenir dans cette querelle de nordistes.

     

    - Je botte en touche, messieurs, en tant que Sicilien, je ne discourrai pas sur l'esthétisme de vos femmes!

     

    - De vos femmes, Salvatore? Là vraiment... tu joues au faux-cul ou tu l'es réellement?

     

    - Sachez chers collègues, que chez nous à Palerme, les femmes ne s'exhibent pas, elles se méritent, conclut l'inspecteur.

     

    Personne ne put dire si c'était l'affirmation, en tant que telle, ou bien la manière tonitruante dans laquelle elle avait été formulée, qui provoqua l'hilarité de ses compagnons. Quoiqu'il en soit, le commissaire Rizzoli sonna bien vite la fin de la récréation.

     

    - Bon, efforçons-nous de rester sérieux... Ne sommes-nous pas tous trois, des policiers, avant d'être des hommes, comme on nous l'enseigne dans les écoles de police?... Gasser, vous qui venez d'être confronté pour la première fois à Matteo, qu'avez-vous pensé de l'interrogatoire?

     

    Au café noir d'une saveur bien trop amère, selon les goûts germaniques du jeune inspecteur, vint s'ajouter le souvenir encore présent dans sa mémoire, de l'interrogatoire qui venait d'avoir lieu le matin même, mené de pair par Rizzoli et Farina. C'était pour lui une première dans une affaire qui relevait d'un crime, et il réfléchit un moment avant de répondre:

     

    - Bah, je dois dire que votre duo bien rodé à l'encontre de ce Matteo, m'a impressionné... A sa place, j'aurais avoué n'importe quelle faute!

     

    - Ce que vous dites là Gasser, m'inquiète... ça signifie tout simplement que l'on aurait mal fait notre boulot, car un interrogatoire est toujours à charge et à décharge! s'emporta Rizzoli.

     

    - Tranquille, Guido, tu vois bien que notre jeune collègue plaisante... D'autant que Matteo n'a rien avoué.

     

    - Ben oui commissaire, vous m'avez demandé de faire de l'humour... J'essaie.

     

    Décidément, se dit Rizzoli, j'aurai du mal à me faire à ce nouveau policier. Il est bien trop imprévisible, et il manie parfois notre langue, de manière telle, que l'on ne sait pas toujours comment interpréter ses propos, et quoi en penser...

     

    - Très concluant, Gasser, très concluant, finit-il par admettre, faute de mieux.

     

    ***

     

     

     

    Lexique:

     

    Vu compra: terme populaire qui désigne les Africains qui vendent dans les rues à la sauvette (vu compra= en italien de cuisine, « vous achètes »

     

    Herr = monsieur, en allemand

     

    quattro stagioni = quatre saisons

     

    roba da donna = affaire de femmes

     

    crucchi = allemands.

     

    ***

     

     

    A suivre

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

     


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