• Pyramides 012

     

     

     

    Après un bon repas composé d'une bonne part de quiche lorraine moelleuse, copieusement accompagnée de carottes râpées et de salade verte, que suivait une tarte tatin, un p'tit verre de Brouilly, fin prêts pour répondre à la question.

     

    Edith a commencé son exposé en ces termes : pourquoi cette question ?

    Elle a porté sa réflexion sur le fait que nous nous trouvons à un moment de bascul de civilisation, dans une époque où l'individu se croit auteur de son existence, tandis qu'autour de lui s'accumulent menaces et catastrophes.

    Une époque où on peut éprouver la sensation, le sentiment que la pulsion de mort l'emporte sur celle de vie, que Thanatos triomphe d'Eros.

    Et on entend s'échanger la phrase "prends soin de toi", à l'instar de la formule anglaise "take care (of yourself)".

    Dans le verbe prendre est compris la décision d'agir, pour éviter les malaises et retrouver un plaisir de vivre. Serait-ce une maxime épicurienne ?

    En revanche, dans le mot soin, il n'y a pas : soigner, mais, par exemple, se soucier de la beauté de son existence, voire en faire une oeuvre d'art (expression de Michel Foucault).

    En revenant sur la formule anglaise "take care !" interprétée comme "fais attention à toi !", ou prends soin de toi, on se demande : pourquoi de toi ? Parce que "l'homme est un loup pour l'homme" (Hobbes) ? Ou alors, c'est une injonction égoïste, égocentrique ? Par désespoir, ou lucidité ?

     

    Pyramides 011Ensuite est impliqué le fait de prendre soin de l'autre, la relation d'interdépendance.

     

    J'ai noté, au passage, cette citation : L'homme n'a pas d'histoire, il est une histoire (L'homme sauvage, de Jean-Jacques Rousseau), mais je suis obligée de la laisser, suspendue, ne me souvenant comment la glisser dans les rouages de la réflexion.

     

    Le soin ne correspond pas à la pratique de la charité (amour désintéressé), ni à la générosité, ni à la solidarité.

    C'est être attentif à l'autre, pas forcément vouloir la cohésion sociale. Faire attention à ce que les autres désirent.

    Edith termine son exposé, le débat commence.

     

    Le monsieur, grand habitué des Cafés et débats de philo, qui enregistre sur son appareil tout le débat, nous a indiqué un article de Sciences humaines (n° 117 en 2006) consacré à : la pratique du "care".

    Anecdote perso : j'ai d'abord compris "la pratique du Caire" ! Très intriguée, j'ai dressé l'oreille pour me rendre compte vite qu'il ne s'agissait pas d'une découverte égyptienne, mais du care anglais, le soin !

    Une nouvelle éthique, un enjeu de société.

    Un chef de service qui fait attention aux horaires de son personnel en fonction de leurs vies personnelles, un médecin attentif à la personnalité de ses malades, au-delà de la charité, la solidarité, etc.

    C'est l'introduction du respect de la liberté de l'Autre, qui n'existait pas auparavant.

     

    Edith parle du livre : De l'état providence à l'état accompagnant, de Serge Guérin.

    Une nouvelle politique ? La systématisation de la formation continue, l'accompagnement différencié des élèves, l'accompagnement du consommateur, celui de l'habitat et la prise en compte des risques. Etude de comment rémunérer cet accompagnement.

     

    Gunther (je rappelle qu'il est, parmi ses nombreuses activités, à l'écoute bénévole des suicidaires), a indiqué beaucoup se méfier de cette pratique du "care", qu'il soupçonne d'avoir été suggérée, inventée pour détourner l'attention de la nécessité de changements plus radicaux dans la société (je lui demande pardon si je déforme sa pensée). Ah, je me souviens : il a comparé cela à la cigarette du condamné. Ouf ! là, je suis certaine de l'avoir entendu !

     

    L'approche du soin peut se faire aussi en examinant son contraire : la négligence. D'où par réaction, la nécessité du soin (du "care").

    Il a été rappelé les événements actuels en Espagne , les Indignés de la Puerta del Sol, qu'on peut rapprocher de ceux de la Place Tarhir, en Tunisie, que les gens au pouvoir n'ont pas vu venir.

    Pyramides 016Aussi : l'absence ou l'abdication des parents dans l'apprentissage social des enfants.

    Dans l'article de Sciences humaines sus-cité, il a été souligné le fait que le soin des autres était majoritairement féminin.

    On a parlé de voir son rapport personnel à la vulnérabilité. Avoir des parents vieillissants et se demander en quoi cela affecte sa propre liberté.

     

    Prendre soin donc de la relation à l'autre.

     

    Dans les hôpitaux et les cliniques, parmi le personnel soignant, un certain nombre est issu de la population la plus démunie, elle-même. Cela, c'est Edith qui l'a signalé, je crois en voulant signifier que, dans ce cas, les soignants, ceux qui aident, auraient, eux-mêmes, besoin de l'être (immigration, maîtrise incomplète de la langue ?). 

    Etant donné que beaucoup de postes sont supprimés, de plus, toujours pour l'objectif de rentabilité financière que le gouvernement actuel impose, même au domaine de la santé, le prendre soin est confié à des gens pressés (comme des citrons),  

     

    Mon amie présente, ancienne infirmière anesthésiste, en retraite, qui se tient toujours informée de ce qui touche au monde médical, qui fait par exemple des minis revues de presse pour les médecins ou infirmières toujours en exercice et qui dépense son temps sans compter pour accompagner, conduire, attendre, visiter les personnes de sa connaissance lors de leurs entrées à l'hôpital et les rechercher pour les réinstaller chez eux, ne prend pas la parole lors des Cafés philo, mais, plus tard, elle me disait que, tout en étant d'accord pour déplorer cette politique de rentabilité inhumaine qui supprime les emplois de la santé (ou dans l'Education nationale et ailleurs), elle mettait un bémol à cette idée d'un personnel "démuni", du moins pour le personnel hospitalier, qui est admis sur concours, dans les hôpitaux (dans les cliniques, à voir).

     

    Je vais oser occuper un petit coin de ce compte-rendu que je vais rendre personnel. Voilà que je me suis mise à prendre la parole, moi aussi, ce que je n'avais toujours fait que brièvement, rarement, ne m'adaptant pas à la gymnastique des prises de parole où l'on doit attendre son tour et parler lorsque Gunter nous invite à le faire. Difficile lorsqu'une idée me vient, de me rappeler ce que je voulais dire lorsque des orientations différentes ont été données au débat lorsque son propre tour arrive ! J'ai gardé en mémoire une citation d'un roman policier de René Cambon, Le fou du labo 4 (que mon père avait jugé assez intéressant pour le relier joliment, au moment où il s'adonnait à la reliure de livres) : "Mon père me disait toujours : si tu as le trac, parle ! Dis des bêtises, mais parle !" Eh bien, je n'ai plus le trac lors de ces rencontres, beaucoup de visages m'étant familiers même si je ne mets pas un nom sur tous, alors j'ai parlé, un peu. Et je ris de moi-même, car je me rends compte que j'ai même parlé en faisant des gestes, ce dont je ne me croyais pas capable !

     

    Pyramides 002Alors je me suis sûrement exprimée de manière hâchée, ou décousue, mais je l'ai fait, encouragée en cela par mon voisin Raphaël, que je remercie au passage (un monsieur plein d'humour discret, qui a l'aisance de la parole alliée à une pensée claire quand il l'exprime).

     

    Qu'ai-je dit ? J'ai pensé à inclure dans le mot soin l'importance de la dignité et du respect à manifester à tous les malades ou handicapés en plus des actes essentiels qu'implique le prendre soin d'eux. Ne pas les infantiliser, ni croire sans réfléchir que parce qu'ils n'ont plus l'élocution aisée, que leurs gestes sont devenus difficiles, etc, qu'ils n'ont forcément plus toute leur tête. Ne pas dire "Il va bien manger sa soupe, le petit monsieur !", mais l'appeler monsieur et lui donner son nom, ou l'appeler par son prénom, pour continuer à l'inscrire dans la personnalité qu'il a toujours eue en société.

     

    Pour les malades d'Alzheimer, je n'ai pas développé mais mes deux tantes en ayant été atteintes, j'ai pu voir que je parvenais à les faire sourire en les regardant toujours dans les yeux en souriant, leur sourire venant automatiquement et en les rassurant dans leur quasi perpétuelle détresse, en les suivant autant que possible dans leurs préoccupations, leurs souvenirs parfois imparfaits, etc. Et pour mon parrain, parkinsonien à une époque où on était encore impuissant à freiner l'évolution de la maladie, attendre patiemment qu'il arrive à formuler son discours ou ses demandes, ce que nous faisions d'ailleurs tous (chez lui, l'humour est resté intact, jusqu'au bout).

     

    Donc, j'ai indiqué ce que je voyais, de mon côté, dans le prendre soin.

     

    Et avec la naïveté (pas la bêtise, j'espère), la propension à l'amalgame, l'optimisme indécrottable, que je n'ai pas toujours dans ma vie, mais qui me motive systématiquement lorsque je m'essaie à réfléchir en sortant de ma petite personne, je suis partie, puisque j'étais lancée, dans une envolée qui imaginait que, même si la pratique du care a été inventée par des gens cyniques, des manipulateurs des masses (?) au départ, il se trouvera peut-être parmi ceux qui exerceront cette pratique, des gens assez futés, rusés, intéressés par le sort de l'humanité, pour remuer tout cela suffisamment et en faire jaillir de vrais changements de société !

     

     Il a été question du bénévolat, aussi. Quelque chose que j'aimerais bien faire (des idées me trottent dans la tête), mais je ne peux pas me le permettre, puisque je ne suis pas en retraite et que je dois continuer à gagner ma vie. De ce fait, d'ailleurs, je n'en aurais pas le temps.

     

    Dans le fil d'une intervention de Pierre, nous avons parlé de l'envers du décor du prendre soin. Le problème de l'euthanasie, de l'acharnement thérapeutique et du suicide décidé au moment où on se sait gravement malade, où on peut en avoir ras le bol et de vivre et de se sentir un fardeau pour son entourage. Certains se sont indignés sur cette pratique bizarre, nécessitant beaucoup d'argent, d'aller mourir en Suisse dans les meilleures conditions possibles. D'autres intervenants ont exploré le monde japonais, où les vieillards se retiraient, s'exilaient pour mourir lentement, n'imposant pas leur charge à leur famille, ainsi que pouvaient le faire aussi les Amérindiens, les Inuits.

     

    Pyramides 001Pierre, lui, s'est souvenu de s'être trouvé entièrement à la merci du personnel hospitalier après un accident, que cette dépendance lui a été un épouvantable trauma, insupportable pour lui. J'ai parlé alors du livre Légume vert, de Philippe Vigand, cet homme atteint du syndrome d'enfermement (locked-in), où il se trouve entièrement paralysé, sauf les paupières qu'il peut encore cligner, mais qui trouve encore du goût et de l'intérêt à la vie et a réussi à dicter son ouvrage qui témoigne de son humour, et aussi de l'amour énorme et porteur de son entourage. D'autres ont rappelé Le scaphandre et le papillon, de Jean Dominique Bauby, rédacteur en chef au magazine Elle, qui traitait de la même situation d'enfermement épouvantable (hélas, M. Bauby, lui, n'a pas voulu s'accrocher à la vie ; hélas, ou pas, après tout décider de sa mort se conçoit).

     

    Je me souviens, par ailleurs, de l'intervention de Magda, qui revenait de six mois passés au Brésil et qui a déclaré s'être étonnée, elle aussi (comme moi, la première fois qu'on m'a dit "take care !") de s'entendre dire de prendre soin d'elle, en portugais, contente qu'on fasse ainsi attention à ce qui pouvait lui arriver !

      

    Je vais m'en tenir là pour le moment et, si je peux, je viendrai ajouter des précisions, sans garantie, car je vais être prise très vite par d'autres préoccupations, comme toujours. Mais nous aurons par email, ou sur papier, un super compte-rendu que le monsieur qui enregistre tout et dont je ne me souviens pas du nom, nous fournira !

     

    Lenaïg 

     

     

    PS : pour distraire un peu les regards qui se poseraient par ici et n'auraient pas le courage de déchiffer mon verbiage, j'ai eu envie de proposer des photos prises par ma mère (auprès de qui je suis par téléphone et par la pensée aujourd'hui !), lors d'un de ses voyages, ici en Egypte, en jouant sur ma brève confusion de care et Caire  N'est-elle pas belle, cette vue du Sphynx et de l'oiseau posé sur sa tête ?

     

     

     

     

    Pyramides 006


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  • bolzano2 - www.europeantravelcheap.com

     

       

     

    Ils avaient prévu un beau temps, sec et exceptionnellement ensoleillé, pour ce dimanche matin de début mai.

    Matteo avait invité Lisa à le retrouver après la messe de 10 heures, devant la pension Rosslwirt, qui se situait à mi-chemin entre Lana di sopra, où il habitait avec ses parents, les Degasperi qui tenaient l'auberge-pizzéria al forno, et Lana di sotto, où résidait la famille Innerhofer, agriculteurs depuis plusieurs générations. Si les Degasperi occupaient un petit appartement dans un immeuble ordinaire, via Palade, tout au nord de la petite ville, les Innerhofer résidaient dans une propriété cossue au toit pentu, immergée dans un verger aux démarcations imprécises. Les pommes constituaient en effet la principale source de revenus de cette famille d'agriculteurs, à l'égal de la plupart des exploitants de la région, qui déversaient leurs succulents fruits à l'usine Zuegg de la ville, principal producteur de confitures et de jus de fruit du Tyrol du sud.

     

    Les deux jeunes gens se rejoignirent à l'endroit convenu. Ils se sourirent et s'accordèrent un baiser furtif sur les lèvres, avant d'enfourcher leurs vélos, pour une promenade qui devait les mener au bout d'un chemin de terre, sur le tapis herbeux de l'un de ces innombrables vergers qui s'étendent à perte de vue, où ils pourraient faire l'amour, paisiblement, en toute discrétion, sans crainte d'être dérangés.

     

     

    ***

     

    Matteo n'avait pas dix-sept ans, lorsqu'il rencontra Lisa pour la première fois, et à peine plus lorsque les deux adolescents se fréquentèrent, de manière suffisamment assidue en tout cas, pour que la famille Innerhofer intervienne dans cette relation qu'elle désapprouvait. Les parents mirent en garde leur fille unique contre ce jeune homme, bien connu dans la petite ville de Lana, comme un coureur de jupon patenté.

    Il faut dire que Matteo Degasperi était un beau gosse. Pas très grand de taille, mais de corpulence robuste, il arborait depuis ses quinze ans, un léger collier de poils roux, taillés en bataille, qui le faisait paraître plus mature que son âge. Son abondante chevelure aux boucles châtain présentait des reflets auburn tout à fait naturels, que les filles du lycée de Merano ne se lassaient pas d'ébouriffer pendant les intercours, en plaisantant, la clope au bec, et en braillant des niaiseries insupportables. Mais le lycéen n'en avait cure; il semblait plutôt flatté par tant d'égard, et de toute façon, jusqu'à sa liaison amoureuse avec Lisa, les filles de son âge ne l'intéressaient pas plus que cela.

     

    C'était en effet dans les boîtes de nuit de Bolzano, la capitale de cette province alpine du nord-est de l'Italie, à moins de cinquante minutes de Lana, par le tortillard local, qu'il faisait son marché.

    Le samedi soir était son jour de sortie préféré. Le début du week-end correspondait également aux périodes de coups de feu particulièrement bienvenues pour les parents du garçon, qui les géraient avec bonne humeur, au seul service de la clientèle de passage, des gens du coin, mais aussi des touristes germaniques, omniprésents, quelque soit la saison.

    Après un dîner expédié à la va-vite, en compagnie de Leo, son petit frère de trois ans son cadet, un passage sous la douche, et un bon quart d'heure devant le miroir de la salle de bain, à fixer sa tignasse par des louches de gel, effetto bagnato fortissimo, Matteo enfourchait son scooter pour rejoindre la petite gare de Lana.

    En général le train arrivait à l'heure. Le Régional 20468 de 21 heures 55 lui faisait rejoindre la grande ville, plus excitante, mais surtout plus anonyme que son bled de Lana, à 22 heures 26 pétantes.

    L'adolescent y rejoignait quelques amis sur la piazza delle erbe toute proche, dans un bar du cœur de la vieille ville. Une amitié qu'il avait su entretenir tout à son profit, car elle lui permettait l'accès aux discothèques, bien qu'il fusse encore mineur. Après une dernière Radler, mélange subtil de bière et de limonade, le groupe d'amis écumait alors telle ou telle boîte de la ville.

     

    ***

     

    Bolzano, enserrée dans son écrin de vertes montagnes, protégée des invasions par une série de châteaux fortifiés, n'en demeurait pas moins une cité au caractère germanique affirmé. Un capoluogo assez chiuso, comme pourraient la définir les Italiens de l'intérieur, installés là depuis quelques générations seulement, alors que la province était tombée dans l'escarcelle du royaume d'Italie, au hasard des combats du premier conflit mondial et des traités de paix qui suivirent.

    Les discothèques dignes de ce nom, celles dont les jeunes raffolent, avec ses sunlights, sa dose de techno et de musique électro qui déchirent les oreilles et déchaînent les corps, n'étaient pas si nombreuses. On aurait pu même affirmer que cette ville ne faisait pas vraiment la part belle à sa jeunesse, lui offrant bien peu d'établissements dédiés aux plaisirs et aux loisirs, contre quelques euro en espèces sonnantes et trébuchantes.

     

    Malgré son jeune âge, Matteo savait parfaitement s'y prendre avec les femmes. Particulièrement avec celles qui, enfermées dans le célibat, voyaient poindre le cap de la trentaine avec une certaine angoisse, comme l'achèvement d'un cycle et l'avènement d'un autre, coïncidant avec l'altération présumée de leur féminité et un questionnement sur la suite à donner à leur vie.

    L'adolescent au summum de sa virilité, ou prétendant l'être, jouait de sa séduction et de sa jeunesse auprès de ces femmes là, laissant agir son sourire ravageur avec un certain exhibitionnisme, mêlé d'un besoin indicible de conquête.

    Matteo repartait rarement seul de la boîte de nuit. Il n'était plus en compagnie de ses amis, mais on le voyait déambuler à l'aube, dans les rues désertes, au bras de femmes, rarement la même, baignées de ses délicates attentions, comme celles que prête l'amoureux fou qui se dirait sans trop y croire: « cette fois-ci, c'est la bonne... »

    

    ***

     

    Tous ces détails sur le garçon, le commissaire Guido Rizzoli, de la police criminelle de Bolzano, les avaient consignés dans le carnet rouge qui ne le quittait jamais, un carnet à spirales tout simple, mais suffisamment épais, et opportunément dimensionné, pour qu'il puisse se glisser dans n'importe quelle poche de veston ou poche revolver de pantalon.

    Rizzoli préférait en effet, consulter ses propres notes manuscrites, aux procès-verbaux réglementaires tapés sur l'ordinateur. Il se disait que les caractères de son écriture, avec ses pleins et ses déliés, ses boucles, ses ratures et ses inclinaisons pluriels, reflétaient son humeur du moment et traduisaient d'une certaine façon ses convictions sur tel ou tel fait qui venait de lui être relaté, sur le terrain, comme lors des interrogatoires à la questura. Ses pattes de mouche lui étaient personnelles. Il les lisait et les relisait à longueur de journée, en les replaçant dans leur contexte, dans l'espoir d'accélérer l'enquête en cours et faire éclater plus rapidement la vérité.

    Seul son adjoint, l'inspecteur-chef Salvatore Farina, avait droit de les consulter au bureau, tandis que sa femme Alice, dont la perspicacité l'agaçait prodigieusement, en prenait note, dans le salon, lorsque le précieux carnet se trouvait posé sur la table basse, ou bien dans la cuisine, alors qu'elle plongeait dans l'eau bouillante, les fusilli ou les rigatoni du dîner. Sa femme aurait pu être une enquêtrice hors pair, un limier de premier choix, se disait Rizzoli. Mais pourquoi diantre, n'y a-t-il pas plus de femmes dans la police? se lamentait-il.

     

     

    - Dans l'affaire de la disparition de la petite Lisa, j'ai bien peur que la situation ne tourne à l'aigre. Ça risque de relancer un véritable conflit ethnique, dont la province se serait bien passée! lança Alice, en repassant une chemise de son mari.

     

     

    A suivre

       

    Denis Costa

       

    ***

     

     

    Note de Lenaïg :

     

    Voici une enquête policière qui commence ! Denis Costa est en train de l'écrire !  Elle se situe dans le haut Adige (encore désigné comme le Tyrol du Sud), une région que Denis connaît bien puisqu'il en est originaire.

    Denis me fait un immense plaisir en acceptant de poster sur ce blog ses chapitres en feuilleton !

     

    Denis Costa a déjà publié, entre autres : Haus Toller, pour lequel j'ai écrit un compte-rendu de lecture  "Haus Toller" de Denis Costa  

    et Marie-Louve en a fait tout autant Haus Toller - Les uns les autres vus par Marie-Louve  .

     

    "Une enquête du commissaire Rizzoli" n'est qu'un titre provisoire. Denis propose aux lecteurs, quand ils seront familiarisés avec les personnages et au fait de ce qui se passe, de l'aider à chercher un vrai titre, "Une enquête du commissaire Rizzoli" passant alors en sous-titre !

     

    Qui voudra participer à l'aventure ?

     

     

     

     

    Illustration :

    Bolzano www.europeantravelcheap.com


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  • Photo Mamylilou N44-Haicook

     

     

     

    Cocotte de lotte,

    Légumes verts du jardin,

    Gâteau de carottes.

     

    Avocat, tomates,

    Crustacés, saumon fumé,

    Champagne ou Perrier.

     

    Lieu, pommes de terre,

    La mayonnaise maison,

    Petit muscadet.

     

    ***

     

    Pour un dîner fin

    Soufflet de coeurs de palmier

    Coulis de tomates.

     

    Juste un pot-au-feu,

    L'hiver pour se réchauffer,

    Gros sel en pincée.

     

    Couleurs et saveurs,

    Compositions de salades.

    L'été à coeur joie.

     

    *** 

     

    Riz blanc parfumé,

    Du poulet en aiguillettes,

    Sauce à la normande.

     

    Choucroute et saucisses,

    Vin d'Alsace ou bière,

    Sorbet en dessert.

     

    Pintade dorée,

    Salsifis, châtaignes,

    Vin en robe rouge.

     

    Une tarte aux pommes,

    Tatin ou à la rhubarbe,

    On passe au café.

     

    ***

     

    La soupe à l'oignon,

    Avec des petits croûtons,

    Sur le port à l'aube.

     

    ***

     

    Saucisson et pain,

    Belles tranches, pique-nique,

    Un coup de vin rouge.

    Pas de menu raffiné,

    Au grand air pour déjeuner !

     

    Blé noir et froment,

    Les crêpes de ma grand-mère,

    Du beurre dedans,

    Croustillantes ou moelleuses,

    Cidre et gros lait aux enfants.

     

    ***

     

    Lenaïg

     

     


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  • Voilà un paysan qui prend soin de sa vache - www.humourger.com

     

     

    C'est la question qui est proposée en débat au Café Restaurant Le Picardie d'Ivry sur Seine demain soir vendredi. Je n'ai pu assister au précédent café, donc je n'ai aucune autre indication ni écho qui s'attachent à cette question et me mettent sur une piste ... Ce soir, je n'irai pas fouiller sur internet, rechercher des éléments pour me construire un petit essai. Je vais en bâtir un, sans filet, si je puis dire ! Un peu de plaisanterie, un tout petit peu de réflexion, on n'ira peut-être pas très loin mais tant pis ! Juste un petit bout de chemin.

    ***

    Adoncques : prendre soin ...

    On peut ... prendre des tas de choses !

    Des vacances !

    Le bus, ou le train !

    La fille de l'air !

     La poudre d'escampette !

    Ses jambes à son cou !

    Mais aussi :

    Ses responsabilités !

    Une décision !

    Son destin en main !

    Ou encore :

    Prendre pension !

    Prendre racine !

    ***

    Quand on prend, on agit, mais si on ajoute soin, on écarte ... des dangers. En effet, prendre débouche, si on n'y prend pas garde, sur la prédation (c'est le nom) et ... arrivent très vite les prédateurs, qui ne présagent rien de bon ...

    Le soin rééquilibrerait-il la balance dans le bon sens ? Ouf, a priori, quand on prend soin, on penche du côté du bien ! Le bien versus le mal, cet essai (qui n'en est pas un, je le sens bien) sera donc manichéen ? Il commence comme ça, en tout cas. A voir, comment il finira ...

    ***

    Assez tergiversé ! Occupons-nous du soin.

    On ne peut juste prendre soin, ça ne ressemble à rien ! On prend soin de quelque chose, ou quelqu'un. Et ce quelque chose ou quelqu'un va être déterminant ... Non ?

    Le soin, c'est du travail.

    D'abord, prenons le raisonnement, tout simple qu'il soit (car je sens l'envie de dormir pointer), en commençant par soi-même. Oui, pour être à même de prendre soin, il faut prendre soin de sa personne, être propre sur soi, douché, correctement habillé, etc, pour pouvoir se regarder dans la glace et se dire qu'on a fait ce qu'on a pu pour être présentable aux yeux des autres, de même qu'à ses propres yeux.

    Et derrière le physique se cache le mental : est-on propre à l'intérieur ? N'a-t-on pas commis de méfaits, s'est-on bien comporté envers sa famille, ses voisins, son chien, son chat et les autres autour de soi ? N'a-t-on pas réalisé des coups bas ?

    Et c'est là qu'on sort de soi pour prendre soin des autres, à condition d'avoir pris soin de soi un minimum. Au pluriel "soins" est souvent relié au monde médical, quand tout est fait pour guérir, soulager blessures et maladies, noble tâche des médecins, chirurgiens, personnel des hôpitaux et des cliniques et les vétérinaires. Tout ce monde prend soin de nous et ne dit-on pas par ailleurs : les soigneurs, pour désigner ceux qui s'occupent des animaux dans les parcs animaliers ?

    Et ... j'aurais bien une ouverture, permettant de voir plus loin (seulement, c'est mon lit que j'aperçois et il me tente bien ...).

    Oui, voilà, un extrait du roman Les Chevaliers du Subjonctif, d'Erik Orsenna (page 43 de l'édition du Livre de poche) :

    "- Si mon métier vous intéresse, je passe vous chercher demain.

    - Pourquoi tant de gentillesse ?

    - Parce que, d'après ce que je vois, nous souffrons, vous et moi, de la même maladie grave : la curiosité. Vous savez que le mot "curieux" vient du latin cura : le soin ? Soyons fiers de notre défaut : être curieux, c'est prendre soin. Soin du monde et de ses habitants. Je serai demain matin chez vous.

    Le temps d'ouvrir la bouche, il avait disparu."

    ***

    Ma foi, que pourrais-je bien ajouter, après cela ? Juste que je pense aussi à l'expression en anglais : Take care ! que se disent les gens quand ils se quittent, en vrai, au téléphone ou par écrit. Littéralement traduit : Prends (ou prenez) soin ! Je la comprends, cette expression coutumière, comme : porte-toi bien ! Ou encore : fais attention à toi !

    Donc, une injonction à surveiller sa santé, par exemple, mais, par extension : se tenir sur ses gardes ! Cela peut sonner comme un avertissement, ou une menace ! D'ailleurs, j'avoue, la première fois qu'elle m'a été adressée, j'en suis restée perplexe et j'en suis encore maintenant à me demander si, cette fois-là, elle n'avait pas été formulée à double sens. Mais par quelqu'un qui ne me voulait pas de mal, bien au contraire.

    Et la balance repenche du côté du mal ! Oui, car si prendre soin peut être faire attention à ses abattis, cela signifie que d'autres prennent un soin particulier à vous vouloir du mal ... Oh oui, les gangsters aussi prennent soin à préparer leurs mauvais coups, et ils prennent soin de bien effacer leurs traces ... J'en suis toute déconfite ! Le mot soin est capable de s'associer à prendre, d'en être complice à des fins louches, redoutables ou maléfiques !

    ***

    Tout seul, pourtant, je ne lui trouve pas de défaut. Je soupèse maintenant tout l'intérêt de cette expression, à double tranchant ! D'ailleurs, il peut arriver qu'elle se vide de son sens, cette expression. Où ça ? Dans un discours électoral, entre autres ! "Mes chers concitoyens, soyez assurés que je prendrai soin de vous !" (oui, mais ensuite, on ne voit rien venir ; comme le fameux "Je m'en occupe !", dont il faut se méfier comme de la peste, hi hi !). Demain, je serai curieuse d'en savoir plus, je prendrai bien soin d'écouter les réflexions des participants, d'élargir mon champ de vision !

     

    Lenaïg

    ***

     

    Oh, mais voici Marie-Louve, qui nous propose sa réflexion, cela va donner du sérieux à cette page et lui conférer un authentique aspect philosophique. Qu'on juge plutôt !

    J'évoquais les soigneurs, elle examine les soignants et les soignés ...

    ***

     

    Coucou Léna,
    j'ai glané quelques idées pour ton café philo.
    Les aidants, ceux qui prennent soin....

    ***
    On présuppose que :
    Une telle action exige une négociation affective, sinon on déshumanise l'action de prendre soin. Bien sûr, nous parlons de prendre soin ailleurs que prendre soin de son rosier ou de son tapis de Turquie :-)))
    On peut aussi présumer ou affirmer que l'aidé doit possiblement ressentir la honte de se retrouver dans une position qui lui enlève une partie de son intégrité...
    *** 
    La personne ayant besoin d'aide ressent son estime de soi à la baisse donc, fragilisée de partout, physiquement et affectivement...Il ou elle éprouverait un sentiment semblable à celui-ci, une certaine honte consciente ou non.
    Une honte posttraumatique qui provoque un effacement du blessé tant et si bien qu'elle finit par gêner le partenaire aidant. Un peu comme : 
      
     « Regardez qui je suis... comment voulez-vous que je reçoive ou mérite ce petit bout d'attention ou d'affection ... ?. Je vais tout lui donner pour mériter pour mériter son attention...»
    Une telle négociation affective dépersonnalise l'aidé qui pour se faire aimer, se place lui-même sur le tapis roulant de la dépression d'épuisement. C'est pourquoi le burn-out est si fréquent dans les relations d'aide professionnelle. Trente % des infirmières  en souffre. Les soignants qui ne sont pas protégés par la distance affective que permettent les machines s'épuisent encore plus. Extrait de Cyrulnik , page 33.
     
    Prendre soin ??? C'est vaste comme champ d'exploration en réflexion. Une certitude: pour prendre soin, il faut en soi, une lucidité à toute épreuve ! C'est un peu comme sauter à l'eau pour sauver de la noyade une autre personne. Faut savoir nager et encore plus...
     
    Cependant, je crois fermement que tous nous pouvons venir en aide ou prendre soin des autres. L'important, c'est de savoir se distinguer lucidement de l'autre, se distancer de la réalité de l'autre et pouvoir agir sainement pour l'autre et soi-même. Savoir respecter nos propres limites et ne pas prendre sur ses épaules le devoir de rendre l'autre heureux, ce que personne ne peut assumer sinon, l'individu lui-même.
    Savoir que chaque petit geste compte et peut faire une différence, mais que cette différence appartient à toute une communauté engagée dans une volonté de prendre soin de ses membres et particulièrement, ceux parmi les  plus fragiles.
     
    On passe notre vie à prendre soin... on entre en relation avec une multitude de personnes. Avec certains, le lien est plus étroit. Prendre soin ne doit jamais virer au drame de culpabiliser, mais c'est souvent le cas. Hélas...

     

    Marie-Louve

    ***

     

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    Illustrations :

    Un paysan qui prend soin de sa vache, www.01humourger.com

    Un chaton qui prend soin d'un caneton ? www.01humours.com

     


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  • Tolède 2

     

     

     

    Pour composer un poème,

    adressé à nos mamans,

    Pour leur dire qu'on les aime,

    Sans tomber dans le gnangnan,

    Il faut se creuser la tête,

    Chercher des mots pas trop bêtes.

     

    Très souvent elles oublient,

    Les mamans, c'est très marrant,

    Que grandissent leurs enfants.

    Elles grondent puis en rient,

    Se souvenant de nos âges,

    Que nous sommes en ménage !

     

    Sans vouloir se l'avouer,

    Elles deviennent fragiles,

    Et pour pouvoir les aider,

    Ruse il faut, esprit agile !

    Sortis de dessous leur aile,

    Faisons-leur vieillesse belle !

     

    Parlant des vôtres, la mienne,

    Conservons de la pudeur,

    Des mots simples qui se tiennent,

    Alternons rires et fleurs,

    Comme pour faire un gâteau

    Recette de bon, de beau !

     

    On a une mère poule ?

    Et on râle, adolescent ?

    Pourtant, lorsque tout s'écroule,

    L'avoir, on est bien content !

    Souvenons-nous en toujours,

    Et gommons les mauvais jours !

     

    J'ai un souvenir ému

    De ce que disait ma mère

    Lorsque ça n'allait plus,

    Que j'étais inquiète, amère.

    Ma fille, si je pouvais,

    A ton épreuve, j'irais !

     

    En aurais-je fait autant,

    Je ne sais et je l'espère,

    Si j'avais eu des enfants ?

    De ma mère je suis fière.

    Son amour me confortait,

    M'encourageait, me portait !

     

    Petit exemple choisi

    Entre quantité de choses,

    C'est du vécu, du senti,

    Pas du sombre mais du rose.

    Quelle chance de l'avoir

    Encore quand vient le soir !

     

     

    Lenaïg,

    Qui redeviendra petite fille et n'osera pas dire ces mots à sa maman.

    Qui en trouvera d'autres  le jour de sa fête.

     

    Pour la poésie du jeudi chez Fanfan link

     

       

     

    Lenaïg toute petite dans les bras de sa maman 

     

     

     


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