Le professeur Molleville-Duval est aux anges ... Il est rare qu'une histoire commence par la fin, mais
l'émotion joyeuse est à son extrême, la lumière s'est faite sur les mystères et les mauvais coups qui ont jalonné la vie du professeur ces
derniers mois. Les journalistes du monde entier sont encore suspendus aux lèvres de sa charmante vieille dame de tante, Transfiguration Duval, dont les rides de bonne vivante
n'ont en rien altéré la beauté. Eh oui, la brave dame est née un 6 août, mais si quelques individus malintentionnés pourraient la qualifier de
pipelette, ce ne serait dû qu'à son goût immodéré pour la parole ! Elle n'a jamais eu la faiblesse d'user de son verbe haut et pittoresque dans
un esprit assassin de vengeance ou de trahison. Nous avons donc dévoilé son prénom (inoubliable, s'il en est), nous avons
révélé de ce fait le jour de sa naissance mais nous avons du coeur, nous aussi : notre propre
langue restera muette sur l'année de naissance de Tante Transfiguration.
Donc, l'heure est à l'allégresse, aux sourires
retrouvés, aux méfaits pardonnés ! Poussons du pied sentiments et chinoiseries de mauvais aloi. Notre lucidité narratrice nous incite à
mettre en avant ce moment de bonheur dont Sigismond Molleville-Duval goûte pleinement la saveur. Nous allons, par la magie du récit, accompagnée de photos, figer l'instant et
capturer l'éphémère ...
Laissons Tante Transfiguration fournir ample matière aux journalistes quant au déroulement de l'affaire, apportant toute
la transparence sur
celle-ci :
-
comment l'honorable collègue, ami et associé de Sigismond, Docteur Xu Li, savant chinois, détenteur
des derniers secrets de construction du mésoscaphe, ne put embarquer sur le navire ancré dans le port canadien d'Halifax, victime d'un rapt, juste sur le quai, sous l'oeil médusé des
spectateurs assistant aux ultimes préparatifs et formalités d'embarquement, insensibles au froid intense qui aurait gelé le mercure dans les thermomètres, si ceux-ci avaient
encore été en utilisation [Aparté : le mercure peut-il geler ? La réponse est oui ! Ce métal se solidifie par froid polaire ou sibérien :
- 38,87°C exactement ! Bien sûr, même si quelques flocons de neige avaient fait acte de présence, la température n'avait pas baissé à ce point-là ! Mais accordons cette licence à la source
narratrice, friande d'hyperboles et autres figures de rhétorique ...] ;
-
comment Docteur Xu, qui, sans être un surhomme, n'avait jamais de sa
vie cédé à la versatilité, résista de tout son flegme et sans faiblesse aucune, aux tortures physiques et psychologiques de
ses ravisseurs (seau d'eau glacée jeté à la figure, sadique chatouillement des pieds à la plume de cygne, menaces de mort
sur sa famille qui, manque de bol, tombèrent à plat, Li n'ayant plus de famille mais se gardant bien de le leur dire ...) ;
-
comment les poulets (mille excuses aux efficaces policiers, le mot étant à
caser ; le hasard a voulu qu'il soit ici l'un de leurs surnoms) firent preuve de diligence et d'intelligence et retrouver sa liberté au Docteur Xu ;
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comment les malfrats en furent réduits à ruminer leur échec et
enrager à loisir, une fois sous les verrous ;
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comment Sigismond, sale gosse dans son enfance [mais, tenus là
aussi de placer dans la narration cette locution nominale, nous la remplacerons illico presto par : vilain garnement !, par égard pour les amis canadiens québécois, qui ne font pas le même
usage de ce substantif ...] avait la fâcheuse habitude de sonner à toutes les portes en allant à l'école comme en en revenant, dans son village natal et comment il s'en tira
tant bien que mal une fois, poursuivi par un chien consciencieux, d'une belle déchirure à son manteau et d'une fessée paternelle ...
Non ! Nous ne nous appesantirons pas plus longtemps sur l'intrigue ! Place au champagne célébrant la victoire de l'expédition
Xu-Molleville-Duval (précisons que Docteur Xu fut transporté en hélicoptère sur les lieux de la découverte pour s'installer à temps dans le mésoscaphe en compagnie du Professeur
Molleville-Duval) ! Grâce à leur performant engin, Li et Sigismond
confirmèrent ce qu'ils pressentaient : ils dirigèrent le mésoscaphe pile sur le gisement d'algues spéciales recelées à cet endroit par l'Océan Atlantique et dotées de vertus médicinales
mirifiques !
Dans la salle des fêtes de la mairie d'Halifax, en plein Halloween, entourés des sourires grimaçants mais complices des citrouilles découpées,
éclairées de l'intérieur par les bougies, reflétées à l'infini dans les psychés aux cadres dorés apportées là pour un meilleur effet, Sigismond et Li s'attablent avec leurs
nombreux convives. La conférence de presse s'achève, fourchettes et couteaux vont pouvoir entrer en action. Tante Transfiguration, suivie de la meute des journaleux qu'elle a passablement gâvés
de force détails mais affamés, vient de rejoindre la grande tablée.
Elle jubile en constatant que son neveu n'a d'yeux que pour l'énorme cerise sur le gâteau de toute notre histoire : un loup phoque de deux
mètres de long sur un mètre trente de hauteur, tout en chocolat noir, marron et blanc ! Une superbe réalisation de maîtres chocolatiers, une créature imaginaire du bestiaire enfantin personnel de
Sigismond. La magnifique sculpture embaume des multiples parfums subtils de ses composants : cacao, caramel, noisettes, amandes, pistaches, fruits confits ! Aussi éphémère qu'un château
de sable ou de cartes, immortalisée néanmoins par la photographie, la bête ne demande qu'à se laisser dévorer, heu déguster ... Quittons à regret
notre Sigismond, maintenant sur un petit nuage, ou sur coussins d'air (pour faire moderne), tout à son attente déjà délicieuse d'en croquer la première bouchée, en
sirotant un divin alcool de poire avec modération.
Lenaïg
qui n'a pas encore dessiné le loup phoque mais s'engage à le faire, en chocolat ou
pas ! Ce sera un clin d'oeil à la communauté L'Arbre à mots ! D'ailleurs il se pourrait bien que cet animal existe, dans une réalité parallèle ... En attendant, prenons donc un chocolat, ou
une citrouille en sucre !
Double défi sur cette page : d'abord le chocolat de Jill Bill ! Ensuite défi des mots
imposés (voir en gras) du magazine L'Esprit de la lettre sur facebook (qui, lui, devrait paraître demain). Pfiou, j'ai fini ! (sauf le dessin ...) mais quel plaisir !
Références des photos sélectionnées, port d'Halifax, citrouilles diverses et chocolat : voir Album Fantaisies
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