•  

     

    Brise tes sommeils Rimbaud
    On veut aller plus loin encore,
    Par le corps bruissant hors du corps
    Brise tes ruelles, prolot.


    Des sons que tu sentais sensations,
    Musique du verbe adverbiale
    Musique syllabique automnale,
    Je n’ose imiter tes visions…


    Tu scrutais le brillant, l’informel
    Rutilant, tu voulais le forcer
    De son rivage brun foncé
    Sur cette crasse sans flanelle.

    far - www.blogs.rtlinfo.be
    Voyelles bruissantes d’éther
    En flashs mystiques écarlates,
    Fiat inconsolable sans hâte
    D’idéalisme brûlant tes serres.

     

    Ô remise en cause,
    Comment exprimer l’indicible ?
    L’inaccessible cible
    De l’harmonie des choses ?


    Anarchiste épris d’ineffable
    Brisant Bakounine sous
    Les sables du mental fou,
    Tu cherchais au delà des fables.


    Néologisme vain
    Pourtant s’il y a nuisance,
    Donné parfois au sens
    Du son que tu obtins.


    Anarchiste voulu,
    Comment partir sur des pieds pourris,
    Clamant, hurlant à autrui :
    « Secouons-nous, ne dormons plus !


    Christ de Dali, vu d'en haut - www.home.clara.netD’un seul jet y passaient
    « Assis », grégaires sacristains,
    Que tu défiguras si bien
    D’iconoclastes laids ;

     

    Pour les faire rugir, avancer,
    Bafoue les médiocres, les formes,
    Brûle les dedans mornes,
    Mais vrai, les fait pas trop pleurer !


    Tolérance ah ! poète sentant !
    Humant lumière d’en haut
    Cet écorché du beau
    Souffre plus que son sang…


    Oui, bonheur vient sur terre
    Par la douleur féconde du coeur
    Solitaire ; travaille ta torpeur,
    Creuse, blanche velléitaire.


    Oui, j’ai vu la brillante harmonie
    Ainsi que d’autres à genoux,
    La structure du cosmos debout,
    La vision de la hiérarchie.


    Car existe infusée la sagesse
    O poète ! O poète !
    Toi l’humble anachorète
    scrupuleux de l’effet qu’il laisse…

     

    sinon gare le garce folie,
    vomissure d’âcre jaune talent
    qu’on surprend quelque fois fuyant :
    elle a l’insolence qui aspire le génie ! …

     

     

    Dominique Biot

     

     

    Illustrations :

     


    6 commentaires
  • De : gsansouci @ toctoc.psy
    Envoyé : novembre 2010

    À: paolotekila @ ca.com

    Sujet: Je suis désolée Paolo

    clavier hot - www.d2.diff.missglad.comCher Paolo,

    Pourquoi fallu t-il que je sois si innocente en te parlant de ces petites bêtes du bon Dieu alors que je sais très bien que tu abhorres tout ce qui s’appelle insectes et que tu détestes les hôpitaux. Depuis des jours que je cherche l’explication de mon attitude envers toi ce jour-là, qui m’éloigne de toi, mais je ne connais pas de psychiatre assez compétent pour me l’expliquer.

    Je veux défaire le passé, rayer du calendrier ce jour maudit, effacer notre conversation, oublier les oreillers et la couette éventrées, les plumes, les plumes et les plumes … et recommencer cette triste journée, qui, je croyais serait la plus belle de ma vie.

    Depuis ce jour maudit où nous avons cessé de nous vouvoyer, une boule se promène en moi, de gauche à droite et de haut en bas. Elle me coupe la respiration, me serre et m’enserre, me desserre et me resserre. Selon mon humeur, elle me torture ou m’allège. J’étouffe, j’ai besoin d’air, de calme. Je ne sais pas comment faire pour la défaire, la dénouer, l’écraser. Elle m’oppresse quand elle se gonfle. Elle me compresse comme un étau qui enserre ma tête. Elle m’opprime et me déprime, me cause une pression qui m’impressionne et me dépressionne.

    L’amour n’est pas qu’une attirance. C’est bien plus que cela. C’est être en osmose avec une personne qui nous complète, c’est être un quand on est deux et deux quand on est seul, c’est de sourire à la seule pensée de son odeur. C’est de jouir de sa présence et de le manquer lorsqu’il s’absente. L’amour c’est de rire ensemble des petits travers de la vie. C’est la confiance de l’un envers l’autre. C’est de se faire des confidences. C’est lorsque tu l’as dans la peau, que ta faim n’est que pour lui, que ça coupe ton appétit, que tu perds des kilos, que tu délaisses tes amis pour ne penser qu’à lui et n’être qu’avec lui. C’est de soutenir l’autre quand arrivent des moments difficiles. C’est de pleurer ensemble et de trouver des solutions pour retrouver le sourire qui apporte le bonheur, de rêver et réaliser des défis et des projets ensemble. Quand l’amour est à sens unique, c’est de ne plus vivre à son rythme, les pensées obsédantes de l’absence de l’être aimé ralentissent la vie. C’est de verser des larmes inépuisables. C’est de vivre un carême éternel, un calvaire sans fin.

    Le désir est un mot brûlant et celui que je ressens pour toi réchauffe mon clavier. Le charme est un mot attirant et l’attirance est un mot ensorcelant. La séduction est un mot à plusieurs variances dont je ne me servirais que pour toi. La passion est un mot ignifuge et je veux m’y brûler avec toi. Le plaisir est un mot désiré par l’amour. Aimer est un mot noble comme les sentiments que j’ai pour toi. Impossible est un mot possible

    L’amour ça ne s’explique pas, ça se vit.

    C’est aujourd’hui la première journée du restant de notre vie. Oublie le passé mon cher Paolo et reviens au présent pour en faire un plus beau futur avec moi.

    PS : J’ai acheté des oreillers, une nouvelle couette et un lit anti-acariens. J’ai donné ma démission à la société protectrice des acariens (SPA).

    Ta Toctoc

    ***

     

     

     

    De : paolotekila @ ca.com
    À : charlotte.des3maison @ hotmail.fr

     
    Sujet : SOS

    peignoir-robe-de-chambre-arthur-pour-homme-micro-fourrure-aExcusez-moi de vous déranger après les heures d’affaires mais j’ai un urgent besoin de vous. Ma ceinture est coincée dans la porte de la chambre forte au sous-sol de l’immeuble du 101 et celle-ci est barrée de l’intérieur. Prenez avec vous des pinces chez monsieur Bernard l’Ermite et annulez mon rendez-vous fixé demain à 19 heures chez le coiffeur Christian et trouvez moi un bon tailleur. Dites à monsieur Christian que je compte le rencontrer dès que possible pour discuter de pellicules. Monsieur Steeve récemment déménagé au 101 a-t-il bonne réputation ?

    Je pense être claustrophobe et je ne veux pas que Toctoc l’apprenne. Gardez ce secret pour vous et venez me délivrer. J’ai le droit de lui cacher une partie de mes tocs. Je vous attends impatiemment.

    Veuillez croire, chère mademoiselle Charlotte, à l’expression de mes sentiments les plus sincères.

    PS : Ne criez surtout pas. Restez calme. Respirez par le nez, expirez par la bouche. Ou le contraire. Ne vous énervez pas, c’est néfaste pour la santé. N’appelez pas l’ambulance ni la police. Vite. Je suis sur une forte tension. Je transpire, je tremble, j’ai l’impression que ma tête ne tient plus sur mes épaules, qu’elle se vide.

    Paolo Tékila

    *** 

    Di

     

     

     

     

    Références des illustrations : voir Album Fantaisies 3.

     


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  • Banc - www.farm1.static.flickr.com

     

     

    De : paolotekila @ ca.com

    Envoyé : novembre 2010

    À : Tugdual - t.kerloch @ hotdog.com

    Sujet : Confidences

    Je désire te faire part de mon témoignage sur la chose étrange dont je fus le témoin bien malgré moi. Je suis d’avis que les hommes doivent se soutenir entre eux et tout comme les femmes se faire des confidences sur leurs histoires d’amour et en dernier je te demande un conseil important.

    Comme tu sais, le docteur Toctoc me poursuit de ses avances depuis que nous nous sommes rencontrés à la grande soirée chez Luigi Paper. Depuis, Toctoc me harcèle par courriel, par messagerie, au téléphone, toujours dans le but de me rencontrer de nouveau. J’aime les femmes faibles de corps mais fortes de tête, j’aime celles qui ont de la suite dans les idées et qui ne s’arrêtent pas à la moindre petite contrariété. J’aurais dû me méfier de ma libido et résister à sa dernière invitation à diner, mais la chair est faible, tu comprends ?

    Quand je me suis rendue chez elle en passant près du Cours Michel Houellebecq, un homme assis sur un banc m’a paru étrange..Il tenait une petite valise dans une main et un livre dans l’autre. Je sentais son regard me suivre, comme s’il n’avait encore jamais vu un homme.

    À l’heure convenue je sonne à la porte du doc Toctoc. Elle m’accueille gentiment et me demande de l’attendre quelques minutes dans le salon en m’offrant un verre de pina colada car une urgente consultation virtuelle psychiatrique venait d’arriver par courriel.

    Acarien, par Jul -www.larousse.frJe marchais dans le salon mais n’étant pas patient de nature, j’allais partir au bout de 15 minutes, quand j’ai trébuché sur une carpette. En me relevant, j’ai remarqué derrière un meuble des photos où Toctoc était en compagnie de Wilfrid, l’oncle de mademoiselle Charlotte, ta fiancée. J’étais estomaqué. Elle est revenue me chercher et je l’ai suivie à la salle à diner où une magnifique table bien apprêtée nous attendait. Nous discutions gentiment au début, quand soudain, je l’ai vue faire, elle a renversé du vin rouge sur ma chemise blanche et pendant que je constatais le dégât, elle a échappé un plat de sauce sur mes pantalons. Me voila torse nu, plus de pantalon pour me couvrir.

    C’est alors qu’elle m’apprit que tous les jours nous perdons des morceaux de peau et que des centaines d’acariens vivent dans les matelas et s’alimentent de celle-ci. Pour ajouter à l’horreur, elle me dit que les acariens ont droit à la vie, qu’ils sont des vidangeurs de peau morte, comme les homards sont vidangeurs de la mer, les vautours et les hyènes vidangeurs de la terre. Tu comprends, ce fut la grande débandade.

    J’ai horreur des bestioles. Avec mon canif suisse, j’éventre le matelas et les oreillers d’où revolent des plumes se collant à la sauce et à la sueur de ma peur sur ma peau. Les plumes volaient comme s’il y avait du vent et se collaient à moi. Pour ajouter au pire, Toctoc m’avoua qu’elle était membre de la SPI (Société protectrice des insectes). Elle me disait de les laisser vivre. C’en était trop ! Je fais de l’entomophobie, tu comprends ? Les insectes sont les auteurs de cette maladie phobique et j’en souffre.

    Je sors de chez elle en courant, je coure comme un fou et je m’arrête quand je vois devant moi Gaspard et Frizapla qui ne jappaient pas, trop surpris de me voir ainsi. J’étais exactement là où je passais plus tôt en allant chez Toctoc, près du Cours Michel Houellebeck, non loin du grand escalier qui conduit au port. Soudain, nous avons entendu un grand cri, un cri de mort. Quelque chose de louche c’est passé là. J’ai senti enfler mes testicules et c’est là que j’ai constaté que j’étais nu et que j’avais l’air d’un canard géant avec toutes les plumes qui s’étaient collées et je me déplumais peu à peu.

    À mon arrivée, Madame Tarataplan sortit voir ce qui se passait. Quand elle m’a vu nu sous les plumes, elle a signalé le numéro de la police mais aussitôt l’ambulance arriva, avec au volant, Toc Toc elle-même. Et par sa faute, me voilà encore dans de beaux draps à l’hôpital de Santa Maïs où vivent dans les matelas des milliers d’acariens affamés de ma peau. En ce moment je suis entre ses mains à l’hôpital mais non pas entre ses bras. Aurais-tu des conseils à me donner pour trouver le goût de vivre avec ces insectes microscopiques ? Ou, crois-tu qu’elle devrait démissionner de la SPI pour me plaire. De toute façon, je ne veux plus la revoir.

    Paolo Tekila

     

    Di

     

    Plumes d'oreiller - www.floraxalia.com

     

     

    Illustrations :


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  • confiance en soi - www.laucaformation.com

     

     

    Pour Lyly qui termine sa quinzaine des défis des croqueurs, j'ai pensé à Arthur Rimbaud et à ce passage de sa Nuit en Enfer, dans Une Saison en Enfer. Je vous en propose la lecture ici, il y est question de la confiance. Rimbaud a 29 ans. 

     

    ***

    Il y a quelqu'un ? Père Noël - www.merci-facteur.com 

     

    Écoutez !...

     

    J'ai tous les talents ! - Il n'y a personne ici et il y a quelqu'un : je ne voudrais pas répandre mon trésor. - Veut-on des chants nègres, des danses de houris ? Veut-on que je disparaisse, que je plonge à la recherche de l'anneau* ? Veut-on ? Je ferai de l'or, des remèdes.

     

    Fiez-vous donc à moi, la foi soulage, guide, guérit. Tous, venez, - même les petits enfants, - que je vous console, qu'on répande pour vous son coeur, - le coeur merveilleux ! - Pauvres hommes, travailleurs ! Je ne demande pas de prières ; avec votre confiance seulement, je serai heureux.

     

    - Et pensons à moi. Ceci me fait peu regretter le monde. J'ai de la chance de ne pas souffrir plus. Ma vie ne fut que folies douces, c'est regrettable.

     

    Bah ! faisons toutes les grimaces imaginables.

     

    Décidément, nous sommes hors du monde. Plus aucun son. Mon tact a disparu. Ah ! mon château, ma Saxe, mon bois de saules. Les soirs, les matins, les nuits, les jours... Suis-je las !

     

    Je devrais avoir mon enfer pour la colère, mon enfer pour l'orgueil, - et l'enfer de la caresse ; un concert d'enfers.

     

    Je meurs de lassitude. C'est le tombeau, je m'en vais aux vers, horreur de l'horreur ! Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes. Je réclame. Je réclame ! un coup de fourche, une goutte de feu.

     

    Ah ! remonter à la vie ! Jeter les yeux sur nos difformités. Et ce poison, ce baiser mille fois maudit ! Ma faiblesse, la cruauté du monde ! Mon Dieu, pitié, cachez-moi, je me tiens trop mal ! - Je suis caché et je ne le suis pas.

     

    C'est le feu qui se relève avec son damné.

     

     Arthur Rimbaud

     Avril-août 1873 

     

     

    Le lien vers la page d'où j'ai copié l'extrait :

    http://www.mag4.net/Rimbaud/poesies/Nuit.html

     

     

    Source Wikipedia :

    Une saison en Enfer est peut-être, comme l'a prétendu Verlaine, une « prodigieuse autobiographie spirituelle » de Rimbaud. L'écriture chaotique est sans cesse traversée par une multiplicité de voix intérieures. Le locuteur y crie sa souffrance, son expérience intime : il a compris qu'il ne pouvait « voler le feu » pour lui seul. Une « ardente patience » est indispensable pour que la défaite ne soit pas définitive. Mais vouloir oublier « l'Enfer », c'est trahir l'humanité. Pourtant, dans la solitude atroce de la ville, la fatigue étreint le jeune poète.
    Régulièrement aphasique ou traversé par des cris de révolte contre l'Église, contre la société du XIXe siècle qui enferme l'individu, Rimbaud fait part au lecteur de ses échecs : échec amoureux, et l'on peut penser à sa relation avec Verlaine, mais aussi au fait que pour lui, « l'amour est à réinventer ». Échec aussi de sa démarche de Voyant : c'est un être qui, seul, a voulu se damner pour retrouver le vrai sens de la poésie.

     

     

    ***

     confiance2 - www.chsrf.org

     

     

    Bououh, pas la grande forme aujourd'hui mais il faut toujours aller de l'avant. Je devrais plancher un peu sur le thème de la confiance, qui sera débattu demain lors du Café philo d'Ivry. Je n'y arrive pas, grosse fatigue, c'est  comme ça. Mais avant demain, peut-être, cela viendra !

    Lenaïg 

           

     

    Références des illustrations : Albums Animaux et Fantaisies 3.

     

     

     

    Yvonne et Stéphanie vous invitent à participer au

     

    CAFE PHILO

     

    VENDREDI 19 NOVEMBRE 2010

     

    AU CAFE « Le PICARDIE »

    1, rue Pierre Brossolette [Place Danton]-94200-Ivry-sur-Seine

    [métro Mairie d’Ivry]

     

    A partir de 19h30, repas 12 euros par personne

    (réserver si possible avant le 18 NOVEMBRE au 01 46 72 19 77 ou par
    email lepine.stephanie@neuf.fr )

    A partir de 21h, débat sur le thème :

     

    « QU’EST-CE QUE LA CONFIANCE ? »

     

    Avec Gunter Gorhan, juriste, Edith Perstunski-Deléage, professeur de philosophie

     

    (Animateurs bénévoles)

      


    9 commentaires
  • Nous pauvres mortels entassés dans des villes tristement nimbées d'une pollution qui nous masque les milliards d'étoiles au firmament, occupés à tricoter des jambes sur les trottoirs pour nous éviter les uns les autres ou les coups de boutoir des sacs à dos, les coudes des passants pressés, nous qui nous hâtons nous-mêmes d'aller gagner notre pain, de rejoindre le lieu de notre travail lorsque nous en avons un, soumis à nos patrons souvent arnaqueurs, portés par l'espoir diaphane de grappiller deux ou trois heures d'une bonne soirée en liberté, une fois de retour dans nos tanières avant de repartir de plus belle, l'aurore venue, emportant pour nous donner du courage le souvenir des baisers de nos maris ou femmes et de nos enfants, nous qui sommes friands durant les fins de semaine de romans ou de feuilletons télévisés policiers,
      
    nous ignorons que les enquêtes n'ont pas lieu qu'au Quai des Orfèvres, à Manhattan, Minneapolis ou Los Angeles.
      
    corbeau freux - www.dinosoria.comAccordons-nous un petit moment pour nous pencher sur une affaire peu ordinaire. Lorsque nous en aurons pris connaissance, nous n'en éprouverons aucun regret, promis ! Cela s'est passé dans la campagne profonde. Les héros se nomment : Pierre Corbeau, commissaire de la police animalière du hameau et son adjoint, Aliboron Polo, liés depuis l'enfance par une solide amitié. Les gendarmes humains enquêtèrent de leur côté ; ils ne surent jamais que le coupable du crime leur fut livré par les remarquables Corbeau et Polo.
     
    Les faits : le Père Thomas était effondré car, au matin, il avait découvert ses ruches complètement saccagées, tout son miel disparu et une bonne partie des abeilles tuées ou à l'agonie, asphyxiées par un produit toxique. Tout le village essayait de lui remonter le moral : le maire et les gendarmes faisaient des conjectures et penchaient pour la culpabilité d'étrangers, venus peut-être de cinquante kilomètres de là, ou même de la ville, attirés par la perspective de se faire du blé grâce au nectar du Père Thomas, dont la réputation allait en s'étendant.
    Venait d'arriver le Père Martin, directement du salon régional de la confiture, qui se tenait à la préfecture où il avait passé la nuit, à ses dires.
    Exerçant un commerce un peu du même cru, il se montra d'autant plus compatissant de l'affreux coup du sort qui frappait le Père Thomas. Il invita tout le monde chez lui, à se réconforter et à se creuser les neurones devant un petit salé aux lentilles arrosé de beaujolais ou de muscadet.
    A dix heures du matin, voilà qui tombait bien.
     
    Mais tôt ce jour-là, un Aliboron fou de peur, entouré d'abeilles virevoltantes, avait fait irruption au pied de l'arbre bureau où Pierre Corbeau venait de se toiletter les plumes, après s'être sustenté de trois ou quatre juteux vers de terre. Ah ! Est-il besoin de préciser : Aliboron est un âne, comme son illustre prédécesseur de l'oeuvre de La Fontaine ; Pierre Corbeau est ... l'oiseau du même nom ? Belle alliance du sens de l'observation aiguisé, nourri d'un oeil acéré, favorisé par des approches aériennes et d'un entêtement à toute épreuve pour la traque des indices au niveau du sol.
     
    L'âne de l'Odet - Photo L'Ours CastorEn l'occurrence, Aliboron avait perdu tous ses moyens, craignant de se faire piquer, sourd aux appels à l'aide des abeilles. Corbeau calma les esprits et recueillit le témoignage des insectes survivants, encore un peu étourdis. Le crime était l'oeuvre d'un seul humain, révélèrent-elles. Corbeau prit son envol, suivi des abeilles les plus vaillantes, assista à la réunion des humains, les suivit discrètement chez le Père Martin ... L'équipe animalière explora toute la propriété tandis que les humains prenaient leur collation. Les abeilles se dirigèrent sur un vieux débarras au fond de la cour, qui les attirait. Ils entrèrent par un carreau cassé et découvrirent le miel entreposé.
     
    Corbeau pensa vite et bien. Aliboron fit irruption dans la cour, poursuivi maintenant de son plein gré par l'essaim reformé par les survivantes, poussant des braiements assourdissants, faisant surgir tous les humains, gendarmes et maire compris. Aliboron les guida mine de rien au petit débarras et les abeilles s'agglutinèrent sur la porte, ou se reglissèrent par le carreau cassé. "Qu'y a-t-il donc à l'intérieur ?" s'interrogèrent les gendarmes. Leur enquête était bouclée.
     
    Corbeau réussit à grand peine à persuader les abeilles de modérer leur furieux désir de vengeance par une dose de tolérance et l'individu peu reluisant, jaloux du succès de son confrère, s'en tira douloureusement d'une douzaine de piqûres. La justice animalière se montra clémente, la justice humaine suivit son cours.
     
     
    Lenaïg,
    selon les mots imposés (en gras),
    pour le magazine L'Esprit de la lettre sur facebook.
    Références des illustrations dans l'Album Animaux. 

     

     

    Police animalière - Bricolage (trop) hâtif de Lenaïg pour Pierre Corbeau et Aliboron Polo

     

     


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